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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/270

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REVUE DES DEUX MONDES.

ter aux yeux des faibles quelques lambeaux de ce vieux fantôme évanoui. L’amnistie et ses suites, toutes différentes de celles que les journaux du parti avaient prédites, en ont fini du système de la peur. Au grand regret des doctrinaires, le parti républicain, vaincu par tous les hommes d’ordre, dont la plupart figurent ailleurs que dans les rangs doctrinaires, le parti républicain est retourné dans ses ateliers. Parmi les amnistiés, les uns ont accepté franchement l’ordre social qu’ils ont trouvé fermement établi au sortir de leur prison ; les autres, gardant leur rancune, mais reconnaissant leur faiblesse, se sont soumis aux lois. À peine si quelques infractions partielles à la loi d’amnistie donnent prise au Journal de Paris, le Moniteur des doctrinaires, et lui fournissent le prétexte de demander l’abolition des mesures de surveillance. Il faut donc trouver d’autres ressources. Le parti légitimiste les fournira. On sait déjà qu’un grand nombre de légitimistes se disposent à se présenter dans les colléges électoraux, où ce parti n’ira pas tout entier, car la condition du serment en éloignera tous les purs ; mais on espère qu’il s’en trouvera un assez grand nombre pour créer dans la chambre nouvelle une opposition de droite qui irritera les centres. On achèvera de les passionner en les effrayant de l’alliance de la restauration et de la république, qu’on leur montrera assise à leur gauche, et rien n’empêcherait plus la formation du ministère normal, du ministère qui doit tout remettre à sa place, et rendre à la France la prospérité, le bonheur, l’ordre, la tranquillité, au roi la sécurité, toutes choses perdues sans doute, depuis que M. Guizot a quitté le ministère de l’instruction publique, et M. de Rémusat le poste de sous-secrétaire d’état.

Le parti doctrinaire l’a dit lui-même : le maniement des affaires lui reviendra quand ses prédictions journalières se seront réalisées, quand la France sera livrée à de nouveaux troubles, quand une administration sage, précautionneuse, prudente et modérée, ne lui conviendra plus. L’amnistie a eu ses suites bien constatées et bien réelles : elles se font sentir tous les jours. Le journal doctrinaire par excellence nomme cette situation des esprits une détente ; il se plaît à croire qu’elle ne sera que passagère ; selon lui, la force (lisez la violence) peut seule gouverner le pays. À la bonne heure ; nous admettons, avec les doctrinaires, que la tension des esprits a cédé devant les mesures d’ordre et de conciliation à la fois, qui ont été prises depuis la formation du ministère actuel. C’est donc au ministère à faire en sorte que les esprits ne se tendent pas de nouveau. Or, quelques troubles partiels, quelques actes de désordre isolés ne seraient pas pour nous une démonstration suffisante d’une nouvelle tension des esprits, et nous ne pensons pas que le pays, que les électeurs en tireraient la conclusion que la France serait assez malade pour être livrée aux remèdes héroïques que lui gardent les doctrinaires.

En attendant que ce jour arrive, le parti se console en semant la nouvelle d’une division profonde entre M. Molé et M. de Montalivet. Il s’agirait ou de