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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/410

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ont alors deux motifs de se plaindre, puisqu’ils sont à la fois privés du pouvoir et du profit qu’il procure. Dans les démocraties, il ne faut pas permettre aux riches de faire de grandes dépenses pour le peuple ; c’est le contraire dans les oligarchies.

On doit travailler à rendre la partie des citoyens qui veut le maintien de la constitution plus forte que celle qui en veut la chute. Il faut, en outre, observer la modération et la mesure en toutes choses. Bien des institutions en apparence oligarchiques ou démocratiques sont précisément celles qui ruinent l’oligarchie et la démocratie. On croit avoir trouvé le principe unique de la vérité politique, et on le pousse aveuglément à l’excès. Cette exagération déprave la constitution et finit par l’anéantir. On doit, dans les démocraties, s’occuper de l’intérêt des riches, et, dans les oligarchies, de l’intérêt du peuple.

L’éducation revient ici avec toute son importance. Si un seul citoyen est sans discipline, c’est que l’état lui-même n’en a pas.

Quelles sont, dans les états monarchiques, les causes de révolution et de ruine, de stabilité et de salut ? La royauté et la tyrannie sont séparées par de grandes différences. La royauté est créée par les hautes classes, qu’elle doit défendre contre le peuple, et le tyran est créé par la masse contre les citoyens puissans, dont il doit repousser l’oppression. Le but du tyran, c’est la jouissance ; le but du roi, la vertu. La tyrannie est pleine d’avidité, de défiance et d’envie. Les monarchies portent en elles les mêmes causes de révolution que les républiques. Les passions, la peur, le mépris qu’inspire le maître, comme Sardanapale, qui fut tué parce qu’il portait une quenouille ; l’amour de la gloire, comme chez Dion ; les agressions d’un état qui est régi par un principe contraire, voilà, pour les tyrannies, des causes de révolution. La royauté n’a pas à redouter les dangers du dehors, et c’est ce qui en garantit la durée. Mais elle a deux dangers intérieurs, la trahison et la tendance au despotisme. Il faut ajouter aussi une cause de ruine toute spéciale ; la plupart des rois par héritage deviennent bien vite méprisables, et on ne leur pardonne pas leur excès de pouvoir. La royauté ne peut se maintenir que par la modération. Voilà qui explique sa durée si longue chez les Molosses. À Sparte, ses limites et son partage entre deux personnes la conservèrent long-temps.

La tyrannie a des moyens détestables pour durer. Elle emploie tour à tour l’espionnage, les discordes, la calomnie, les lourds travaux dont elle écrase le peuple, comme les pyramides d’Égypte, les