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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/421

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LE FRONTON DU PANTHÉON.

sorte d’obscurité. L’œil, après avoir reconnu les différens portraits qui occupent la partie gauche, cherche à reconnaître les guerriers en qui M. David a personnifié la gloire militaire, et cette étude inutile nuit à l’effet général de l’ouvrage. Autant je blâme l’expression anonyme de la gloire militaire, autant j’approuve la manière ingénieuse dont M. David a traduit les relations qui unissent l’étude à la grandeur. C’est là une pensée vraiment claire, qui s’explique par elle-même et qui n’a besoin d’aucun commentaire. Il était permis de craindre que le statuaire, ne sachant comment remplir les deux extrémités angulaires du fronton, ne se résignât à les garnir de figures inutiles ; les élèves des écoles savantes, que M. David a placés derrière les grands hommes couronnés par la patrie, contentent l’œil et la pensée.

Quant aux portraits que l’auteur a placés à gauche du spectateur et qui appartiennent tous, moins un, au dix-huitième siècle, ils ne sont ni choisis ni ordonnés d’une façon bien naturelle. Pourquoi Bichat précède-t-il Jean-Jacques Rousseau et Voltaire ? Manuel est assurément un des orateurs les plus habiles de la restauration ; mais le général Foy avait un talent plus populaire, et à ce titre M. David aurait dû le préférer à Manuel. David a produit dans la peinture française une réaction salutaire ; si les Sabines et le Léonidas méritent des reproches nombreux, il serait injuste de méconnaître les services rendus au goût français par le retour violent de David aux types de la beauté antique. Mais David ne peut représenter dignement la peinture française, puisque la France a produit Nicolas Poussin et Lesueur, Gros et Géricault. Berthollet, Monge et Laplace ont laissé dans la science des traces glorieuses, et pour leur disputer la place qu’ils occupent, il faut s’appeler Lagrange ou Descartes. Pourquoi Fénelon se trouve-t-il au milieu des hommes illustres du XVIIIe siècle ? Est-ce en qualité de poète ou de moraliste ? M. David a-t-il voulu honorer dans l’évêque de Cambrai le précurseur des hardis esprits de la Constituante ? S’est-il rappelé la satire du gouvernement de Louis XIV, présentée avec tant de réserve dans quelques chapitres de Télémaque ? Mais il y a dans les tragédies de Corneille et dans les oraisons funèbres de Bossuet, des hardiesses bien autrement effrayantes pour la royauté absolue que la peinture du royaume d’Idoménée. M. David a-t-il voulu honorer dans Fénelon l’élégance et l’harmonie du style ? Mais Britannicus et Athalie surpassent l’élégance et l’harmonie de Télémaque. Je déclare donc sincèrement ne pas savoir pourquoi Fénelon coudoie sur le fronton du