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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/424

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la volonté. La tête humaine, ainsi comprise, révèle dans le statuaire une science infinie et patiente ; le portrait de Laplace résume toute la biographie de l’illustre astronome, car le statuaire a écrit sur le front de son modèle en caractères lumineux : comprendre sans vouloir.

Au premier aspect, l’attitude de Malesherbes étonne par sa raideur et son emphase ; mais peu à peu l’œil et la pensée se familiarisent avec la physionomie sévère du magistrat, et l’attitude que M. David lui a donnée ne tarde pas à paraître naturelle, car elle est en harmonie avec la tête. On sait d’ailleurs que l’habitude de porter la robe donne aux magistrats une gravité voisine de l’emphase. M. David a donc fait preuve de bon sens en ne soumettant pas Malesherbes aux lois de l’élégance.

La tête de Mirabeau comptera certainement parmi les œuvres les plus savantes de la statuaire. Les marquises du XVIIIe siècle admiraient la laideur de Lekain, et allaient même jusqu’à le trouver beau dans le rôle d’Orosmane ; M. David, tout en respectant la laideur de Mirabeau, a su donner au monstre une grandeur, une énergie, qui sont bien près de la beauté. Il n’a omis ni l’expression libertine des lèvres, ni la colère du regard, ni la dilatation insolente des narines : il nous a rendu Mirabeau tel que nous le connaissons par le masque moulé sur nature ; mais il a mis dans les traits du tribun une harmonieuse unité. La tête du Mirabeau de M. David est plus longue que celle du modèle, et cependant il faut une étude assez longue pour s’apercevoir de cette différence. Je suis sûr que le Mirabeau de la Constituante, dans ses plus beaux élans d’éloquence, n’avait ni plus d’animation ni plus de grandeur que le Mirabeau de M. David. La tête sculptée sur le fronton du Panthéon enseignera aux statuaires de notre âge l’art si difficile d’embellir la laideur en l’interprétant.

Le portrait de Monge, qui n’offrait pas les mêmes difficultés, honore cependant l’habileté de l’auteur, car la tête du géomètre français peut passer pour vulgaire. M. David, en affermissant la ligne des orbites, lui a donné une sorte de sévérité ; il l’a corrigée sans la transformer. Je regrette qu’il se soit mépris sur l’expression de la tête de Fénelon. Tout le monde sait que l’instituteur du duc de Bourgogne avait un visage long, quelque peu maigre, mais plein de finesse et de douceur. Or, M. David, en élargissant le diamètre de la face, a diminué la finesse de la tête ; il a modelé le front, la partie supérieure des orbites et surtout les tempes, de telle façon que la tête, au lieu d’exprimer la mansuétude et la mystique rêverie, signifie, pour tout homme habitué à l’analyse du visage, l’énergie et l’amour