Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/515

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
511
REVUE LITTÉRAIRE.

Pie VII étant mort le 5 septembre 1815, l’empereur fut sur le point de se proclamer pape lui-même. Après de mûres réflexions, ce fut son oncle, le cardinal Fesch, qu’il investit de cette dignité, sous le nom de Clément XV.

L’Europe s’était soulevée de nouveau : la campagne de 1817 décide en dernier ressort de ses destinées. L’Europe est vaincue et conquise. Le Moniteur du 15 août 1817 contient les divers décrets qui règlent les formes de gouvernement de ce quart du monde. L’empereur en est le seul souverain. Il n’y a sous lui que des rois feudataires. Tous les frères de Napoléon sont promus aux fonctions de roi en activité. Le roi Charles IV, d’Espagne, et le roi Ferdinand Ier, de Naples, sont mis à la retraite.

Marie-Louise était morte la même année. L’empereur veuf replace près de lui Joséphine sur le trône.

Napoléon en avait fini avec la vieille Europe. L’un de ses lieutenans lui avait conquis Alger et toute la côte barbaresque. Afin de compléter le système politique de l’Europe et de le mettre en harmonie avec ses conquêtes françaises en Égypte, il rend, le 22 juillet 1820, un décret qui réunit à l’Europe la partie septentrionale de l’Afrique, depuis le mont Atlas jusqu’à l’isthme de Suez. Le plus beau de l’histoire, c’est que ces prodigieuses conquêtes, loin d’être onéreuses à l’empire, lui font au contraire un allégement de ses charges, chose inouie dans les annales du monde. Cette même année, l’empereur est si riche, qu’il refuse d’accepter l’impôt et le remet librement tout entier au pays.

Une fois maître de l’Europe et d’une portion de l’Afrique, Napoléon n’était pas pour rester en si beau chemin. Il a chargé bientôt ses généraux d’aller soumettre le surplus de cette dernière partie du monde. Lui-même il s’en va prendre possession de Jérusalem, de la Chine, du Japon, de toute l’Asie et de toute l’Océanie. Les deux Amériques réunies à Panama en congrès solennel, sous la présidence du général Jackson, proclament peu après l’empereur leur souverain. Le 5 juillet 1827, parut dans le Moniteur le célèbre décret qui fondait la monarchie universelle. Paris était déclaré la capitale de la terre. Un autre décret contenait la promotion générale des rois d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. Un autre instituait le conseil des rois, qui devait se réunir tous les trois ans à Paris, dans une session de deux mois, et être présidé par le monarque suprême.

À compter de cette époque, il n’y eut plus qu’une seule monnaie, à l’effigie de l’empereur, qui eut cours dans toute l’étendue de l’univers. Il fallait au monde une bibliothèque et un musée universels. Ce fut Versailles qui devint la ville-bibliothèque et musée.

On comprend que, dans une monarchie universelle, la politique, la diplomatie, la liberté de la presse et les autres libertés, n’étaient plus d’aucun usage. Toutes ces vieilles choses inutiles furent donc supprimées. Il n’y eut plus qu’un journal officiel du monde, intitulé : la Terre. L’historien ne dit pas s’il fut bâti un hôtel des invalides pour les politiques, les diplomates et les publicistes mis ainsi sur le pavé.

Sous l’empire de la monarchie universelle, les sciences n’avaient pas fait moins de progrès que les lettres. Le globe avait été exploré tout entier et modifié pour la plus grande commodité de l’espèce humaine. Le capitaine Parry avait planté le drapeau tricolore sur le pôle nord. Les isthmes de Suez et de Panama avaient été coupés. La quadrature du cercle fut décou-