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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/577

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HOMMES D’ÉTAT DE LA GRANDE-BRETAGNE.

marche, peut-être la majorité, hostile à son ministère, se fût-elle laissé vaincre de la même manière. La menace d’une dissolution aurait pu rallier bien des opinions flottantes. Les représentans du pays répugnent beaucoup à retourner chez eux, à solliciter de nouveau les suffrages de leurs commettans, surtout en Angleterre où il n’y a guère d’élection qui n’impose des dépenses considérables. S’il eût pendant quelque temps tenu ainsi en échec les forces de ses antagonistes, il aurait eu meilleure grace de recourir à la dissolution en dernier ressort, et à faire un appel au pays contre la réprobation d’une majorité hostile. Peel, au contraire, se conduisit comme un joueur impatient ou désespéré qui mettrait sur table, au premier coup, ses meilleures cartes, ou comme un général qui ferait sa première charge à la tête de sa réserve.

Jamais ministre ne quitta le pouvoir d’une manière plus triomphante. Après sa sortie du ministère, sir Robert Peel reçut des corporations, des propriétaires fonciers, de l’aristocratie, des classes riches, de tout ce qui tient à la vieille Angleterre, comme l’opulent fermier des comtés, qui en est la plus respectable expression, des milliers d’adresses en signe d’adhésion à sa politique. Cependant il s’était trompé en prophétisant que le ministère qui lui succéderait ne serait pas de longue durée. Si faible que fût la majorité dont disposait ce ministère, il avait réussi à la conserver dans la chambre des communes ; car, ainsi que je l’ai déjà dit, la certitude que la désunion ramènerait inévitablement les tories au pouvoir, a maintenu dans une étroite alliance tous les élémens hétérogènes dont cette majorité se compose. Les deux partis ont fait les efforts les plus énergiques pour attirer à eux de nouvelles recrues ; le ministère a employé toute l’influence directe et indirecte qu’un gouvernement peut exercer ; l’opposition a fait usage de tous les moyens que lui fournissent ses richesses pour agir sur la volonté des électeurs, et il est probable que ces efforts se sont à peu près balancés. Mais, dans les deux années qui se sont écoulées depuis la retraite de sir Robert Peel, le gouvernement n’a fait adopter par le parlement qu’une seule mesure politique de grande importance, le bill de réforme des corporations municipales. Dans toute autre tentative d’innovation sérieuse, il a été repoussé par la majorité invincible et compacte de la chambre des lords ; et la législature du pays est maintenant dans une position fort extraordinaire. Il n’y a aucun doute qu’une majorité dans la chambre des communes peut, si elle le veut, forcer les lords à la soumission sans abolir ce corps héréditaire ou porter atteinte à la constitution