Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/661

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
657
CRITIQUES ET MORALISTES FRANÇAIS.

Pascal moins abrupte, plus apprivoisé au salut, et plus doucement acceptable. Ce qu’en politique le livre de M. de Tocqueville est à ceux de Montesquieu et de Jean-Jacques, ce qu’en éducation le livre de Mme Guizot est à ceux de ce même Jean-Jacques ou de Fénelon, on pourrait avancer parallèlement que les discours de M. Vinet le sont à certains morceaux de Pascal, c’est-à-dire quelque chose qui, incomparablement moindre sans doute pour le mouvement, l’éclat, l’invention, se rencontre plus immédiatement approprié, et d’une nourriture plus aisée, plus conforme à la moyenne et majeure classe des esprits philosophiques et chrétiens de nos jours. L’impression, même simplement intellectuelle et sensible, qu’on en tire, au lieu de s’égarer volontiers à l’admiration, à la spéculation, est déjà voisine de la pratique.

Mais c’est à produire, à solliciter une impression entière et efficace qu’ils sont destinés ; et aussi, n’en parlons-nous qu’avec rapidité et une sorte de crainte sous un point de vue autre. Ce qui nous y frappe surtout, c’est l’esprit de lumière et de charité chrétienne infinie, qui fait que, pour des catholiques mêmes, bien des choses y restant absentes, aucune peut-être n’est expressément contraire ni à repousser. À part le discours sur la Foi d’autorité, où encore ce genre de foi est ménagé par des expressions si générales, et où la vérité se réserve comme pouvant habiter dessous, on va en tous sens dans cette lecture en n’apercevant jamais que le chrétien. Quant aux deux discours sur l’Étude sans terme, nous y pourrions louer longuement le moraliste, et même dans le premier discours, admirer des traits d’imagination et de pensée colorée, plus forts, plus grands que le didactique du genre n’en permet d’ordinaire à M. Vinet ; mais ce serait mal conclure de telles pages que d’y trop attacher l’éloge, même l’éloge du fond. Il y faut renvoyer en silence ceux qui étudient. Que si dans tout ceci, nous avons trop souvent arraché à un talent, le plus humble de cœur, les voiles dont il aime à s’envelopper, qu’il veuille songer, pour notre excuse, que l’effet de ces paroles, que nous aurions voulu rendre plus dignes, sera peut-être de convier quelques lecteurs de plus aux fruits des travaux que l’idée de l’utilité et du bien lui inspira ; et puisse-t-il ainsi nous pardonner !


Sainte-Beuve.