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trouva entouré de flacons et d’aromates de toute espèce, propres à purifier l’air qu’il respirait. Néanmoins les cérémonieuses salutations de Sébastien le rendirent un peu plus traitable qu’il ne l’était d’ordinaire.

— C’est bon, c’est bon, lui dit-il en lui faisant signe de se tenir à distance et en collant à son nez un large mouchoir imbibé d’essence de genévrier ; en voilà assez, brave homme. Ne vous approchez pas tant de moi et retenez un peu votre haleine. — Par la corne ! dans ce temps maudit, on ne sait pas à qui l’on parle. N’êtes-vous point malade ? Voyons, dépéchez, qu’y a-t-il ?

— Votre respectable seigneurie, répondit le vieillard un peu mortifié secrètement de cet accueil cavalier, voit devant elle le syndic des peintres, maître Sebastiano Zuccato, son très humble esclave, père de…

— Ah ! c’est vrai, reprit Melchiore sans se déranger, et en faisant mine seulement de vouloir porter une main languissante à la coiffe de soie noire qui serrait sa grosse tête plate. Je ne vous remettais pas, messer Zuccato. Vous êtes un honnête homme, mais vous avez pour fils deux enragés coquins.

— Excellence, le mot est un peu sévère ; mais je ne disconviens pas que mes fils ne soient d’assez mauvais sujets, très dissipés, très obstinés dans leurs résistances, et voués à un très sot et très méchant métier. Je sais qu’ils ont encouru la disgrace de nos seigneurs les magistrats et la vôtre en particulier. Je suis certain qu’ils doivent avoir commis une grande faute, puisque vos bontés pour eux se sont changées en sévérité, et je ne viens pas pour les justifier, mais pour obtenir que votre mécontentement s’apaise, et que votre miséricorde prenne en considération la malignité de l’air, la rudesse de la saison et la faible santé de mon aîné, que le régime des prisons a dû compromettre assez gravement, pour qu’il se souvienne de cette punition et ne s’y expose plus.

— Votre fils est malade en effet, à ce qu’on m’a dit, répliqua le procurateur. Mais qui n’est pas malade durant cette maligne influence ? Moi-même je suis fort souffrant, et sans les soins assidus de mon médecin j’aurais péri, je n’en doute pas. Mais il faut prendre des précautions, beaucoup de précautions. Par la corne ducale ! je vous conseille, maître Sébastien, de prendre aussi des précautions.

— Votre excellence dit que mon fils Francesco est malade ? reprit Sébastien effrayé.