Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/723

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
719
AUSONE ET SAINT PAULIN.

transportait son enseignement, à peu près comme en Allemagne les professeurs passent d’une université bavaroise à une université prussienne. Le père d’Eumène était venu professer à Autun après avoir professé à Athènes et à Rome. Lactance avait passé d’Afrique à Nicomédie, et de Nicomédie à Trèves. Un oncle d’Ausone, Arborius, partit de la Gaule pour aller s’établir à Constantinople, et y parvint à une telle renommée, que l’empereur voulut qu’après sa mort les cendres du rhéteur aquitain fussent reportées dans sa patrie.

Au commencement, les rhéteurs et les grammairiens sortaient le plus souvent de la classe des affranchis. On en voit plusieurs exemples dans Suétone. C’était un résultat du vieux mépris romain pour les arts libéraux. Peu après, le préjugé semble s’être affaibli, surtout dans les provinces. Ainsi, en Gaule, des personnages de noble origine se consacrèrent à l’enseignement des lettres. Tel fut cet Arborius dont je viens de parler, qui appartenait à une grande famille du pays des Éduens. Les prétentions de la noblesse gauloise ne furent pas plus intraitables que celles de la noblesse romaine. Ausone célèbre également Patera, du sang des druides, et Acilius Glabrio, qui prétendait descendre d’Énée.

Les rhéteurs improvisaient-ils véritablement ou récitaient-ils des discours composés d’avance ? Il paraît que l’improvisation n’était pas fort usuelle parmi eux. On ne la trouvait pas assez respectueuse, et peut-être pas assez sûre pour les grandes occasions. Un panégyriste se défend d’improviser devant l’empereur, comme il se défendrait d’un manque de respect, c’est-à-dire d’un crime.

La mémoire jouait un grand rôle dans l’éloquence des rhéteurs. Aussi est-ce une des qualités qu’Ausone vante chez eux le plus habituellement. De l’un, il dit qu’il avait plus de mémoire que Cineas l’Épirote ; à un autre, il souhaite une méditation facile et qui se souvienne. Leur méditation, en effet, avait grand besoin de se souvenir.

La sténographie était en usage. Ausone a adressé au sténographe qui recueillait ses paroles quelques vers prestes et vifs que je pourrais adresser à M. Hippolyte Prévost :

« Quand ma langue précipite mes paroles comme la grêle, ton oreille n’hésite point, ta page ne t’embarrasse pas, et ta main vole sans paraître se mouvoir. »

Où en étaient, au temps d’Ausone, les diverses branches de la littérature ? Quels genres pouvaient subsister à une pareille époque ?

Ce n’était certes pas la poésie épique. Ausone avait bien versifié