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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/772

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ne l’ignorait pas ; et si des représentations lui avaient été faites, si des avertissemens lui avaient été donnés sous quelque forme et par quelque voie que ce pût être, fût-ce même par l’intermédiaire de la presse française, il n’aurait pas dû s’en étonner. Le gouvernement français a ses nécessités politiques, comme le gouvernement autrichien a les siennes, et nous croyons les unes plus importantes que les autres au maintien de la paix en Europe.

L’Autriche prétend vivre en bons rapports avec la France. Elle en a certainement besoin pour imposer à la Russie, et pour que sa politique ne soit pas entièrement absorbée par celle du cabinet de Saint-Pétersbourg. D’où vient donc que nous la trouvons partout sur notre chemin, à Turin comme à Naples, pour nous attirer, de la part de ces faibles gouvernemens, des mesures hostiles et des refus blessans ? C’est l’Autriche qui, dans l’intérêt de ses bateaux à vapeur de Trieste, empêche le gouvernement napolitain d’admettre les nôtres dans ses ports comme vaisseaux de l’état ; c’est l’Autriche qui, dans une question à peu près pareille, nous fait opposer, par le cabinet de Turin, une mauvaise volonté inconcevable et d’interminables lenteurs, grace aux préventions de M. de la Marguerite. Il serait cependant de meilleur goût de renoncer à toutes ces tracasseries, si l’on veut réellement vivre avec nous en bonne intelligence, et si c’est loyalement que l’on rend hommage à la sagesse et à la modération du gouvernement français.

L’Espagne continue à présenter un déplorable spectacle. Tout y est confusion, impuissance et désordre. Les massacres et les révoltes militaires ont cessé ; mais on y est et l’on se croit toujours à la veille de nouveaux troubles, parce que l’ordre, imparfaitement rétabli, ne repose sur aucun fondement solide. L’assemblée des cortès et le nouveau ministre restent divisés, et se renvoient de l’un à l’autre la tâche difficile de sauver la patrie et la liberté. Les faibles ressources pécuniaires que le gouvernement s’est procurées à grand’peine ont servi à calmer l’exaspération des soldats, aigris par la négligence dont ils accusaient le précédent ministère à leur égard ; mais on est retombé aussitôt dans la même détresse. Aucun service n’est assuré pour un mois, et la désorganisation universelle ne fait que s’accroître.

Au milieu de circonstances aussi critiques, il n’est pas de projets extravagans, coupables et dangereux, que le désespoir n’enfante chaque jour dans des imaginations exaltées par le ressentiment, la crainte, les périls de la situation. Il y a un parti qui veut rompre avec la France, ôter la régence à la reine Christine et essayer de la terreur ; ce parti, qui compte dans ses rangs des généraux, des députés aux cortès, des ministres déchus, voulait faire massacrer M. de Senilhes à Pampelune, pour forcer la France à retirer son ambassadeur de Madrid, et laisser, disait-on dans ses conciliabules, la nation espagnole livrée à sa propre énergie. Et c’est pour animer cette énergie, pour réveiller cette nationalité, qui s’est assoupie en comptant mal à propos sur des secours étrangers, que d’atroces calculs ont sacrifié, dans ces derniers jours, tant de victimes ; car on rattache généralement aujourd’hui à un plan formel les massacres des généraux et les révoltes militaires qui ont immédiatement suivi le dernier changement du ministère espagnol. Aussi, l’impression qu’en rapportent des observateurs dignes de foi est-elle plus défavorable que jamais à la cause de la reine et de la liberté constitutionnelle.

Trois corps d’armée, en communication les uns avec les autres, entouraient don Carlos à la fin du mois de juillet. Sur la nouvelle de la prise de