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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/10

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REVUE DES DEUX MONDES.

Entre ces deux caps, juste au milieu du croissant, dont ils forment les cornes, s’ouvre le golfe de Palerme, terminé par un joli port, un peu ensablé, il est vrai, mais où les vaisseaux sont à l’abri de tout danger.

C’est un spectacle unique, même en sortant de Naples, que cette entrée du port de Palerme. Le navire pénètre dans une baie profonde ; de hautes montagnes la ceignent au levant et au couchant ; au nord, s’ouvre la rade. Tout-à-fait dans le fond du golfe, se montre déjà Palerme avec ses coupoles mauresques, ses tours et les hauts piliers de la porte Felice, qui se présente avant de doubler le château. À notre droite, apparaissait l’immense monte Pellegrino, dominé par cette vigie dont l’a surmontée Charles-Quint ; et sur ses flancs serpentait, comme un ruban blanc, la magnifique route qui mène à la chapelle de Sainte-Rosalie. Ce vieux mons Erta n’a déjà plus rien des montagnes de la Pouille et de la Calabre ; à voir ses formes bizarres, l’éclat du soleil qui le dore, l’étendue et la profondeur de l’ombre que projette son sommet sur sa base, on sent qu’on vient de quitter l’Italie, et qu’on touche déjà à l’un des avant-postes de l’Afrique. De l’autre côté de Palerme, c’est encore l’Europe. La côte, qui s’incline et se relève doucement, offre une suite de délicieuses collines, qu’on nomme la Bagheria. Au pied de ces collines sont jetées les villas de la noblesse sicilienne et de charmans villages, qui s’étendent vers l’orient jusqu’à mi-chemin du cap Zaffarano, devant lequel sort, comme une pyramide, un autre cap, le Mongerbino. Dès qu’on a passé la petite baie sablonneuse de Mondello, on gagne en sûreté le Porto-Grande, une chaloupe vous conduit à la Calle, où l’on débarque les marchandises, et vous êtes dans Palerme.

Nous débarquâmes ainsi à Palerme, le 2 novembre 1837, le jour des Morts. Une grande cloche, peut-être la cloche qui sonna les vêpres siciliennes, retentissait jusque sur les eaux de la rade, et nous annonçait de loin que les soixante mille habitans que le choléra avait laissés dans Palerme, allaient prier pour trente mille de leurs frères, de leurs parens et de leurs amis, que le fléau avait enlevés en moins de deux mois. La brigantine où nous avions pris passage, était le premier bâtiment qui se présentait dans le port de Palerme, depuis l’invasion de la maladie qui en avait fait interdire rigoureusement l’entrée à tous les navires. Le nôtre, chargé de passagers, portait de malheureux Siciliens que la frayeur avait fait fuir dès le commencement de l’épidémie. Ils attendaient avec inquiétude des nouvelles de leurs familles et de leurs amis, et leurs regards se dirigeaient, avec une impatiente anxiété, vers les quais du môle, chargés de peuple,