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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/132

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feraient mieux ses affaires. Rien de mieux pour cette fin que le suffrage universel, et il y a vraiment trop de conscience dans la seconde objection du journal dont nous parlons, qui demande si un corps armé peut être investi du pouvoir électoral sans un second mandat. Qu’importe, pourvu qu’il envoie des députés de l’opposition à la chambre ? La garde nationale n’a pas besoin d’un autre mandat que sa propre volonté, et sa volonté est sans doute de renverser le gouvernement de juillet, qui lui a fait tant de mal !

Les temps sont donc bien changés. Eh quoi ! la garde nationale, qui était attaquée chaque jour par l’opposition, comme l’instrument aveugle du despotisme, quand elle réprimait les émeutes, la garde nationale serait devenue tout à coup si éclairée et si propice aux vœux de ceux qu’elle combattait dans les rues, et de ceux qui la combattaient dans les journaux ! Elle voudrait tout ce qu’elle n’a pas voulu : les clubs qu’elle a fermés spontanément, le colportage des écrits incendiaires, la réforme des lois de septembre auxquelles elle a applaudi, le retour des assemblées de carrefour, des processions politiques dans les rues, tout ce qui signale la présence de l’opposition radicale aux affaires. Il est vrai que nous voyons des écrivains qui soutenaient l’ordre en ce temps-là, et les feuilles qui prétendent au patronage de quelques hommes d’état qui méritaient bien du pays par leur résistance aux brouillons, céder à ce flot qui entraîne pêle-mêle toute l’opposition vers un avenir inconnu. Mais les masses, Dieu merci ! n’ont pas la faiblesse des hommes isolés, elles vivent du sentiment de l’intérêt public et non d’ambitions personnelles ; et l’intérêt public n’a pas plus changé, depuis huit ans, que l’esprit de la garde nationale. L’un sauvera l’autre, et la garde nationale, avant que de signer la pétition du suffrage universel, regardera, avec son bon sens habituel, qui lui présente la plume. Ce simple coup d’œil suffira pour la lui faire rejeter.

À voir toutes ces choses, nous sommes amenés naturellement à répondre à un journal qui dit que, pour les journaux défenseurs de l’ordre, et qu’il veut bien nommer ministériels, tout se résume dans une idée dont ils ne sortent pas. « On veut renverser le ministère, dit-il ; la pétition que signe la garde nationale n’a d’autre but ; les radicaux de Birmingham n’ont songé qu’à cela en signant l’adresse à la garde nationale de Paris, qu’ils ont fait parvenir au maréchal Lobau. Il semble qu’on ne s’occupe que du ministère, tandis qu’on ne pense pas à lui. » — Nous rendons plus de justice aux adversaires du gouvernement, et, loin de prétendre qu’ils n’en veulent qu’au ministère, nous ne doutons pas, depuis quelque temps surtout, que leurs vues ne soient plus élevées. Ce n’est pas une tâche si modeste que se propose une grande partie de la coalition ! Si elle est jour et nuit occupée à faire quelque nouveau scandale ; si elle porte jusqu’à une désespérante perfection l’art d’inventer et de répandre les fausses nouvelles ; si elle excite partout les mécontentemens ; si elle sympathise avec toutes les inimitiés étrangères, ce n’est pas pour la puérile et frivole satisfaction de renverser un cabinet. Sous les formes que lui imposent les lois de septembre, le langage de cette partie de l’opposition est encore assez clair, et la garde nationale, qu’on voudrait faire