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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/151

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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

se montrent imposantes encore, et comme supérieures aux attaques et aux insultes, l’organisation entière de l’état n’est pas moins attaquée en détail et ne se modifie pas moins de jour en jour.

La réforme s’opère dans les lois avant d’atteindre les personnes, parce que celles-ci ne se raidissent pas contre des nécessités qu’on les voit même devancer parfois avec un éminent esprit politique. Tout marche en Angleterre par tempérament, par transaction, et par l’effet de cet admirable mécanisme qui adoucit toutes les secousses et contient toutes les violences. Tout marche par les voies légales, parce que les uns savent attendre et les autres se résigner. Si ce pays ne connaît pas ces enivremens de logique et de passion d’où sortent les nuits du 4 août, les conquêtes de la liberté y sont peut-être plus sûres, parce qu’elles sont acceptées de tous, et que rarement des pensées de réaction s’y cachent au fond des ames.

Depuis l’année 1820, qui ouvrit l’ère de l’émancipation religieuse, l’Angleterre a commencé une révolution qui se continue sans relâche, quoique avec lenteur, dans le sens des intérêts bourgeois et des principes politiques et administratifs de la France. Cependant la vieille constitution est debout, et jamais peut-être son souvenir, sans cesse invoqué dans les réunions publiques, dans les chaires et dans les banquets, n’a excité des émotions plus universelles et plus puissantes. À l’ombre de ce drapeau s’est organisée la grande armée des conservateurs ; à son ombre marche aussi le ministère de la réforme, et c’est du jour où il a paru le répudier que le parti démocratique a vu s’éclaircir ses rangs et l’opinion lui manquer. Étonnant spectacle en ce siècle où rien ne vit là dans les institutions ni dans les croyances, où les peuples, comme les individus, marchent au jour le jour, sans respect du passé et sans souci de l’avenir !

Il faudrait renoncer à comprendre l’Angleterre si l’on ne se rendait parfaitement compte de la manière dont cette constitution, partout présente, quoiqu’elle ne soit écrite nulle part, s’enlace à l’histoire même de la nationalité britannique. L’on répète sans cesse que l’aristocratie fait sa force, et l’on a raison assurément. Mais qui fait la force de l’aristocratie elle-même ? Il ne suffit pas à une noblesse, on le sait de reste, d’avoir de grandes richesses territoriales et de hauts priviléges pour se défendre des attaques de l’esprit démocratique. Il faut, pour se faire pardonner ces avantages, qu’elle s’appuie ou sur une idée dont elle soit l’expression, ou sur un intérêt général qu’elle protége. C’est par cette double racine que vit, en effet, et la constitution anglaise, et l’aristocratie sur laquelle elle s’élève ; et peut-être n’est-il