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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/195

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ATHÈNES SOUS LE ROI OTHON.

du siècle de Périclès à celui d’Hadrien, vous arriviez sur le seuil même des Propylées, sur un pavé de marbre, où il ne reste plus d’autre empreinte que celle de l’ornière sacrée du char de Minerve ? Si, rassemblant tous vos souvenirs, à cette place où tous les grands de la Grèce ont passé, vous aperceviez le Temple de la Victoire relevé à votre droite, et la Pinacothèque ouverte à votre gauche ? Si, marchant toujours de merveille en merveille, en traversant le portique des Propylées entre les deux rangs de colonnes ioniques, vous vous retrouviez enfin sur l’Acropole, en face du Parthénon, libre dans vos sensations et jouissant de vous-même, sans avoir rencontré un mur qui vous arrête ou un Turc qui vous afflige, et ne voyant partout, de quelque côté que se tournent vos pas ou vos regards, que des souvenirs de la Grèce et des monumens du génie ? Voilà pourtant ce que j’ai vu et ce qui est, ce que vous avez pu rêver, mais ce que vous n’avez pu voir ; voilà ce qu’a produit l’affranchissement de la Grèce, et ce qu’a exécuté le prince qui la gouverne ; et moi, qui me suis prosterné sur ces marbres antiques, rendus à la liberté comme la Grèce elle-même, j’ai tout oublié, tout pardonné de ce que j’ai vu dans la moderne Athènes ; je n’ai plus voulu habiter que sur l’Acropole, et vivre que dans la contemplation de ses monumens ; et, en n’apercevant plus la nouvelle Athènes que du haut de ce rocher magique qui la couvre de son ombre et l’illumine de son éclat, j’ai fini par m’intéresser à son sort.

Ce n’est pas auprès de vous, mon cher ami, que j’ai besoin de justifier l’enthousiasme que m’inspire l’Acropole d’Athènes ; mais je voudrais trouver, pour le faire concevoir à d’autres, des expressions dignes de ce que j’éprouve, et j’en désespère. Chaque jour, depuis six semaines que j’habite ce pays, je monte à l’Acropole par le même sentier, à partir de la Tour des Vents, maintenant dégagée aussi des constructions gothiques qui l’enveloppaient. Je passe, à mesure que je m’élève, au pied des roches cécropiennes, puis au-dessous des murs rebâtis par Thémistocle ; et en les retrouvant tels que les vit le siècle de Thucydide, je m’incline à chaque fois devant ce grand souvenir de la liberté, et devant ce véridique témoignage de l’histoire. Plus loin, je gravis une pente escarpée, au-dessus de laquelle s’ouvre, dans le rocher de l’Acropole, la Grotte d’Agraule, et un peu plus loin encore, celle de Pan ; c’est là que s’étaient accomplis tous les mystères de la naissance d’Athènes, là qu’ils restèrent cachés à tout regard profane par des terreurs sacrées ; et maintenant que ces lieux n’ont plus de secrets ni d’autels, on a pu retrouver l’escalier taillé dans le roc qui conduisait auprès du temple d’Érechthée, et par où les deux jeunes Arrhéphores, dans une nuit solennelle de la fête des Panathénées, portaient le mystérieux fardeau que leur avait mis sur la tête la prêtresse de Minerve. J’arrive ainsi en haut du seul passage qui donne accès à l’Acropole, repassant à chaque pas, en présence des lieux qui les rappellent, les plus anciennes traditions de la religion attique. Alors j’ai devant moi, sous mes pieds, le théâtre d’Hérode Atticus, monument de la libéralité d’un grand citoyen ; je domine la colline de l’Aréopage, qui n’est encore, comme aux beaux jours de la liberté attique, ornée que des seuls