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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/254

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REVUE DES DEUX MONDES.
Le sire de Joux, après avoir bien chevauché et guerroyé contre l’infidèle, s’était retiré, vieux, dans ses châteaux et ses donjons ; il avait trois filles belles à rendre un ermite amoureux. Trois nobles jouvenceaux les aimèrent :

Jeune Amaury de haut lignage
De Loïse est énamouré ;
C’était bien le plus mignon page
Qu’en Bourgogne on eût admiré.
............
De Berthe l’ardente prunelle
Enflamme Gaston le vaillant :
Par saint George ! au nom de sa belle
Il irait défier Satan !
............
Arthur qui brûle pour Hermance
Était renommé troubadour,
Il possédait la gai-science
Et savait beaux refrains d’amour.

Tous trois se croient aimés, et on les trompe tous trois ; car ces cœurs de châtelaines superbes et volages n’avaient d’amour que faux-semblans.

Aussi bientôt notre beau page
Que suit, triste, son lévrier,
Quitte ces lieux où l’on outrage
Amour et foi de chevalier.
Arthur, qui ne veut pas maudire,
En soupirant détend sa lyre…
Mais Gaston dit : — « M’en vengerai,
Ou bien en mourrai ! »

Et Gaston, le violent, décide tous les seigneurs des environs à s’interdire pour eux-mêmes et à défendre à tout loyal chevalier la porte de ce château que la félonie déshonore. Alors, les dames aux abois, et n’ayant pour servant d’amour que l’Ennui, ne savent plus que devenir :

« Autant vaudrait être cloîtrée !
Quoi ! vivre sans être adorée !
À ses pieds n’avoir pas un cœur
Qu’on traite en vainqueur ! »

Le vieux père s’irrite de ce délaissement par orgueil pour son blason, et il convoque un grand tournoi. La main des trois filles est promise aux trois