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REVUE LITTÉRAIRE.

Le champ de l’imagination est vaste, et ce noble penchant qui nous porte vers la recherche des hautes vérités, mais souvent aussi des vérités qui nous ont été cachées par Dieu même, a poussé les disciples de Kant à une sorte d’enthousiasme et de poésie, qui les amène aux abîmes sans fond du panthéisme. La France, qui voulait travailler sur de nouvelles bases, avait donc à opter entre les doctrines de l’école écossaise et celles de l’Allemagne, et elle choisit cette philosophie du bon sens qui n’est pas à coup sûr le dernier mot de la science, mais qui est un excellent début pour passer aux abstractions plus élevées, mais moins sûres de l’ontologie.

Quoi qu’il en soit, tant de nobles esprits se sont exercés sur les grands problèmes de la métaphysique, et ont dépensé dans cette étude tant de patience et tant de génie, qu’aujourd’hui nous ne saurions rester étrangers à leurs immenses travaux. Si le livre traduit par M. Poret ne peut sans danger être mis, dès l’abord, entre les mains de la jeunesse de nos écoles, il doit devenir le manuel indispensable de tous ceux qui ont déjà, par devers eux, quelques connaissances philosophiques.

§ IV. — HISTOIRE.

Recherches historiques sur la véritable origine des Vaudois et sur le caractère de leurs doctrines primitives[1]. — Le christianisme avait à peine rallié quelques hommes à ses croyances, que déjà l’hérésie s’agitait dans son sein. On mourait pour la foi nouvelle, mais on disputait sur le dogme ; et les inquiétudes du doute se trahissaient sous mille formes, près des convictions les plus vives, tantôt comme un vague souvenir des cultes antérieurs, tantôt comme une tradition des doctrines de la philosophie antique, ou bien encore comme une éclatante protestation du sens individuel contre l’autorité. Un intérêt puissant s’attache à l’étude de ces luttes religieuses ; mais, quelle que soit l’abondance des documens, cette étude restera toujours incomplète : les vainqueurs seuls nous ont appris le combat ; l’hérésie, tout en attaquant l’église, tremblait encore devant sa puissance, et cherchait souvent pour ses doctrines le mystère et le secret des initiations. L’église, à son tour, proscrivait tout souvenir menaçant pour son unité et sa puissance. De là l’obscurité qui couvre l’origine de la plupart des sectes hétérodoxes ; de là aussi cette absence de toute critique, ces passions haineuses, qui ne se décèlent que trop souvent dans les historiens ecclésiastiques.

L’Orient, rêveur et mobile, fut, dans la primitive église, le foyer le plus ardent de l’hérésie, comme il avait été le berceau de la foi. Quand il doute, les négations sont vives, hardies et descendent jusqu’au fond même du dogme ; c’est l’unité trinitaire, c’est la substance elle-même qu’il attaque ou veut dégager de ses voiles : ainsi Manes, ainsi Arius. L’Occident, au con-

  1. vol. in-8o, chez Périsse, rue du Pot-de-Fer.