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intacte la civilisation créée par le christianisme, la perfectionner, défendre contre les attaques du dehors et les scissions du dedans l’intégrité du territoire, fondre toutes les diversités locales en une fructueuse unité, et pour cela abaisser les seigneurs, effacer aux provinces les actes de leur indépendance primitive, tout soumettre à un seul pouvoir, à une seule loi, telle est, au dire de M. Poncelet et de M. Rapetti, l’œuvre que la royauté française a glorieusement accomplie depuis Philippe-Auguste jusqu’à Louis XIV ; en sorte que pour faire prévaloir d’une manière complète cette égalité civile que la fraternité chrétienne avait déposée dans les lois, cette unité nationale si péniblement élaborée par la monarchie, il a suffi à la révolution de 1789 de souffler sur quelques fantômes d’inégalité civile et de diversité nationale, depuis long-temps sans vie réelle.

Tel me paraît être l’enseignement un peu systématique que ce livre s’efforce de mettre en lumière. Il est à regretter que des idées, exclusives sans doute pour plusieurs, à coup sûr très utiles à discuter, et qui souvent appellent la contradiction, soient enfermées, sans développement aucun, dans quelques mots, où une concision affectée se joint à d’étroites limites pour déguiser aux yeux les paradoxes. En résumé, cet ouvrage montre l’histoire du droit français dans le développement des mœurs, des idées et des faits de la politique. Cette donnée supérieure est empruntée à l’école historique allemande, mais avec une intelligente modification, à savoir pour la France, comme nous l’avons dit, la prédominance des idées sur les mœurs. La science du droit se met enfin en communication avec les grands esprits qui ont montré l’histoire de la civilisation française. Ces tentatives nouvelles, sur lesquelles nous aurons occasion de revenir avec détail à propos de M. Laferrière, ne sont donc plus de vaines promesses ; elles inspirent directement un Précis destiné à la jeunesse des écoles, elles vont droit au plus fort de l’ignorance qu’il faut instruire ; elles sèment là où il peut y avoir récolte. Toutefois il est un reproche grave que nous avons déjà laissé pressentir, et qu’il faut adresser à ce travail, c’est de renfermer trop d’idées et trop peu de mots. Il manque évidemment d’espace et de développemens. Le profit qu’on en peut tirer nécessite une attention trop suivie et déjà une certaine culture. L’abréviateur, par sa forme aphoristique, paraît s’être moins préoccupé d’être utile que d’être complet. Mais dans un livre destiné à l’enseignement, il faut savoir faire le sacrifice de son érudition, émietter, pour ainsi dire, ses idées, et, au risque de paraître superficiel, s’efforcer de ne dire que ce qui peut être compris au début et au seuil même de la science.


Histoire de Châtillon, par M. Gustave Laperouse[1]. — Ce livre a été écrit par un jeune homme de vingt ans, et il a en effet tous les défauts et tous les mérites du début. Un généreux enthousiasme, quelquefois poétique,

  1. vol. in-8o, chez Leclerc, rue de Sorbonne, 5. — Châtillon, chez Cornillac.