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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/424

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REVUE DES DEUX MONDES.

mais M. Thiers avec l’intervention, base de son ministère, et uni par cet acte politique à des hommes qu’il serait forcé de répudier sur tous les autres points. Qu’aura donc gagné la France, et qu’auront gagné eux-mêmes M. Thiers et M. Guizot ?

On nous dira qu’à ce compte les ministères seraient éternels. Nous répondrons d’abord, qu’à notre avis, l’état incomplet, défectueux, de quelques branches de l’administration, ainsi que les secousses fâcheuses et trop multipliées de notre ordre social, tiennent aux fréquens changemens de ministres. Nous avons eu souvent l’occasion de dire, même alors que nous n’approuvions pas la marche du gouvernement, à l’époque où les doctrinaires étaient au pouvoir, par exemple, qu’un cabinet qui durerait dix ans ferait plus de bien à la France que vingt ministères successifs de six mois, fussent-ils composés des plus hautes capacités du pays. Cependant nous rassurerons ceux qui trouvent le temps trop lent au gré de leur ambition. Non, les ministères ne seront pas éternels ; car, dès que l’opposition sera convaincue qu’on ne pénètre pas dans les affaires par la violence, sa violence cessera. Quand la presse verra que la fureur ne mène à rien, sa fureur fera place à la modération ; car la presse ne peut pas se tromper long-temps d’une manière aussi grossière qu’elle le fait, pressée qu’elle est par ses doubles intérêts, représentés par ses lecteurs et par les hommes d’état qui lui donnent l’influence et l’autorité, même en recevant son appui. La presse peut bien oublier un moment le premier de ces intérêts, dans l’espoir qu’elle sera dédommagée par le succès de l’œuvre qu’elle entreprend ; mais, quand tout lui manquera à la fois, elle suivra bientôt une marche plus profitable pour elle. Ce n’est donc pas seulement l’intérêt du gouvernement, c’est le bien du pays, c’est l’avenir même de la presse, c’est la moralité politique, qui veulent que l’administration actuelle ne s’écroule pas devant les attaques dont elle est l’objet, pour faire place à une autre, formée sous les auspices de dix partis violens et ennemis entre eux. Obéir à une opposition de ce caractère, ce serait donner une prime magnifique à l’injure, à la violence, à la calomnie ; et cette opposition le sait si bien elle-même, que son premier cri est pour l’abolition des lois de septembre, cette digue opposée aux calomniateurs et à ceux qui vivent d’injures et de diffamations.

Pour les hommes d’état égarés dans cette cohue, ils se dégageront, dans cette attente salutaire, d’alliés suspects dont l’enthousiasme ressemble beaucoup à du dédain, et qui déguisent à peine leur haine contre leurs amis d’à présent, comme on l’a vu par les citations que nous avons faites, et que nous pourrions multiplier. On s’est donné quelques momens d’ivresse, soit. Mais une orgie de ce genre ne peut durer toujours, et il nous semble qu’il serait bien temps de rentrer dans la réflexion et dans le calme. Quand ceux qui ont de l’avenir politique, et une ambition qui n’a pas dessein d’ajourner ses résultats à l’époque du retour de la convention nationale ou des états-généraux, montreront l’exemple de la modération, les opinions ne tarderont