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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/428

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REVUE DES DEUX MONDES.

tion d’un ancien député, attendu qu’il est officier d’état-major, qu’elle en agit, étrangement avec l’armée, en la repoussant des fonctions civiles, en même temps qu’elle signale à l’animadversion publique les militaires députés qui s’élèvent en grade. Encore une fois, comment satisfaire l’opposition ?

Il n’y a qu’une manière de savoir les choses, c’est de les savoir de près. On parle maintenant beaucoup de l’empire et on ne sait plus bien ce que c’était que l’empire. Un journal, qui en veut à M. le comte Molé, exhumant un des discours insérés au Moniteur en 1813, en faisait dernièrement une arme contre lui : c’est de bonne guerre. Il est piquant pourtant de savoir au juste comment la chose se passa. L’empereur, qui n’était guère contrarié souvent par le corps législatif, se lassa, on ne sait pourquoi, d’avoir à choisir un président de ce corps parmi les candidats qu’on lui soumettait, et qui étaient élus par leurs collègues. Il voulut choisir lui-même et directement ce président, en dehors de la chambre, et décida qu’un sénatus-consulte serait porté en ce sens. Qui conseilla cette mesure à l’empereur ? Le journal n’hésite pas à désigner M. Molé comme instigateur. Avec un peu de réflexion, on aurait senti que l’empereur n’avait guère besoin qu’on lui conseillât de tels actes : ils lui venaient de lui-même et trop naturellement. Dans tous les cas, M. Molé, conseiller d’état, dans la position élevée, mais secondaire, où il se trouvait alors, n’était nullement consulté pour des sénatus-consultes qui se délibéraient dans des conseils de cabinet, si tant est qu’on délibérât beaucoup sur ce que la volonté d’un seul avait déjà tranché. Mais c’était simplement le tour de M. Molé, conseiller d’état, de porter, comme orateur du gouvernement, le sénatus-consulte au sénat. L’empereur le fit venir et lui dit : « Écrivez ce qu’il faudra dire. » C’était la seconde fois que M. Molé avait à écrire sous la dictée de l’empereur, ce qui n’était pas petite affaire ; la plume ne suivait pas aisément cette parole saccadée, à rapides et brusques retours. Cette fois la parole était plus brusque, plus heurtée et accélérée que jamais, et surtout le discours était étrange. Il n’y avait pas moyen d’en passer par là. M. Molé, rentré chez lui, fit l’exposé qu’il jugea le plus convenable, le plus bref, le plus ménagé dans la situation ; déjà une fois il s’en était tiré de la sorte, ne disant pas ce qui lui avait été dicté ; et, le discours ayant réussi au corps législatif, l’empereur avait été content. Mais cette fois il arriva qu’ayant prononcé à sa façon son exposé de motifs au sénat, il lut le lendemain dans le Moniteur un tout autre discours imprimé : l’empereur avait tenu à sa dictée et n’avait pas voulu la perdre. Or, dira le journal de l’opposition, il aurait fallu réclamer, protester, écrire une lettre au Moniteur, le sommer de l’insérer au nom de la liberté de la presse. À la bonne heure ! Nous conseillons à ce journal, et à ceux de l’opposition en général, de savoir mieux l’histoire de la quinzaine qu’ils ne se rappellent celle de l’empire.