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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/433

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REVUE. — CHRONIQUE.

vers 1822 par lord Bathurst, alors secrétaire d’état des colonies ; mais ce n’est pas ici le lieu de développer un pareil sujet, qui demanderait un travail spécial. Je m’empresse néanmoins d’ajouter qu’à mon sens le moment de la séparation du Canada d’avec la métropole n’est pas venu, et que certaines combinaisons, très praticables aujourd’hui, pourraient encore le retarder pour long-temps. Lord Durham avait dans l’intelligence et dans la volonté les lumières et le sérieux nécessaires pour découvrir ces combinaisons ; il avait autour de lui des esprits assez pénétrans, assez souples, assez pourvus de connaissances spéciales pour en préparer le succès, et je ne doute pas que sa retraite, si elle se confirme, n’ait une fâcheuse influence sur le sort du Canada. Il avait incontestablement réussi dans les questions de personnes, dont il me reste à vous parler, et dans la pacification matérielle du pays, préliminaires indispensables pour aborder le problème d’organisation sur un terrain mieux disposé.

Voici donc la conduite tenue par lord Durham à l’égard des personnes. Il n’y a pas eu, si je ne me trompe, à proprement parler, de procès ni d’exécutions politiques dans le Canada. Les procès et les exécutions, en très petit nombre, qui ont eu lieu, se rapportent à des meurtres commis pendant l’insurrection et à propos de l’insurrection, c’est-à-dire que ces actes n’ont pas été considérés comme crimes d’état, et qu’en les accusant ou les punissant, on a entendu venger le sang répandu, et non pas la domination anglaise compromise. Cependant il y avait dans les prisons de Montréal et de Québec des prisonniers ou des criminels d’état accusés de haute trahison, comme chefs moraux de l’insurrection et moralement convaincus, soit par leurs antécédens, soit par des papiers saisis, de complicité dans la conspiration. De ceux-là, les moins dangereux pour l’avenir, ou les moins formellement compromis pour le passé, furent élargis par des mesures successives. À la fin de juin, il paraît que huit individus de cette catégorie, dont un seul porte un nom anglais, étaient encore détenus à Montréal. Seize autres, dont le célèbre M. Papineau, fugitif dès le commencement des troubles, étaient ou cachés ou sortis du territoire anglais. Or, c’est à ces vingt-quatre criminels d’état que s’applique une ordonnance rendue le 28 juin par lord Durham en conseil spécial, afin de pourvoir, comme porte le litre, à la sécurité de la province du Bas-Canada. L’ordonnance dont il s’agit dispose que les huit détenus de Montréal, ayant avoué leur crime de haute trahison, et s’étant soumis au bon plaisir de sa majesté la reine, et les seize autres contre lesquels ont été lancés des warrants de haute trahison, s’étant enfuis ou cachés, ces vingt-quatre individus seront, autant que faire se pourra, déportés aux Bermudes, parce que la reine veut que toute poursuite pour crime de haute trahison soit abandonnée, et que d’un autre côté il est nécessaire de pourvoir à la sécurité future de la province. Il leur est de plus défendu de quitter les Bermudes ou de revenir, sans autorisation et grace spéciale, sur le territoire anglais, sous peine de mort, et tous les autres prévenus sont amnistiés, sauf