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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

l’émancipation pour rassurer sur le sort de l’église d’Irlande, il était évident que du jour où les organes des croyances et des griefs de sept millions d’hommes auraient entrée au parlement, l’effroyable système sous lequel avait si long-temps gémi cette terre de calamités ne manquerait pas d’être attaqué dans sa base véritable. Un établissement religieux qui, pour 752,972 fidèles, d’après les supputations les plus récentes et les plus vraisemblables[1], se trouvait divisé en quatre archevêchés et provinces ecclésiastiques, avec vingt-deux évêques, et un total de treize cent quatre-vingt-cinq bénéfices et de deux mille trois cent quarante-huit cures, pour la plupart sans charge d’ames, paroisses où le pasteur n’apparaît qu’une fois l’année pour percevoir ses revenus à l’aide de la force publique ; un clergé qui recevait alors en glèbes, terres et dîmes un revenu d’environ 30,000,000 de francs, impôt atroce lorsqu’il est perçu sur les sueurs d’une population qui vous repousse, et se lie dans sa pensée au souvenir de confiscations sanglantes : c’était là une de ces monstruosités qui ne résistent pas à la discussion publique. Le droit antique de la victoire maintient seul de telles choses ; le droit commun les rend impossibles et comme fabuleuses.

L’émancipation, en effet, c’était le droit commun pour l’Irlande, la répudiation de toute la politique anglaise, à partir de Henri II. C’était la proclamation solennelle de l’égalité d’une population qui, depuis le XIIe siècle, ne participait pas plus au droit public et privé de l’Angleterre que les Barbares à celui de Rome : race dégradée avec laquelle tout mariage était réputé pollution, et assimilé à un crime capital, selon le statut de Kilkenny ; qui, sous Élisabeth, ne pouvait ni tester, ni jurer en justice, et dont l’assassinat n’était pas encore, sous Jacques Ier, réputé homicide légal ; peuple infortuné qui, aux plus beaux jours de la liberté anglaise, vit consommer son exhérédation de tous les droits civils et politiques, et n’eut jamais, même aux temps les plus rapprochés des nôtres, que l’état légal, inconnu dans le reste du monde depuis le christianisme, de nation conquise,

  1. Il résulte du rapport des commissaires chargés, en 1833, de constater l’état de l’instruction populaire en Irlande, que la population totale de ce pays est de 7,943,940, divisée ainsi qu’il suit : 6,427,712 catholiques ; 642,356 presbytériens ; 21,808 quakers, anabaptistes ou autres dissidens, et 852,064 protestans épiscopaux, membres de l’église établie, mais en y comprenant tout le corps des méthodistes wesleyens. Or, en réunissant ceux-ci aux autres dissidens, des calculs fondés sur des bases probables feraient monter le total des dissidens à 120,900, ce qui laisserait pour l’église établie le chiffre donné plus haut. Voyez aussi « the Erish church ; the reform association to the reformers of England, Scotland and Wales. London, 1835.