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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/510

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REVUE DES DEUX MONDES.

sure de reconquérir sur les householders à 10 liv. sterl. l’ascendant immémorial qu’elle exerçait sur les anciens freemen. Moins de deux ans après la réforme, sir H. Verney présentait à la chambre[1] une pétition par laquelle il était établi qu’un noble duc avait fait construire une multitude de petites maisons d’un loyer de 10 liv. sterl., pour opposer au vote des électeurs indépendans celui de gens à sa dévotion absolue.

Peut-être est-il permis de croire que si lord Russel et ses collègues avaient en 1832 mieux jugé l’avenir, ils se seraient moins catégoriquement refusés à joindre aux dispositions du bill celle qui tendait à établir le vote secret. Dans l’état actuel des intérêts en Angleterre, tant que le pouvoir de l’église et de la grande propriété n’aura pas été modifié par des changemens considérables dans l’administration locale, et que les classes moyennes n’auront acquis ni le goût, ni la possibilité de l’indépendance, le ballot seul pourra donner à la réforme électorale sa véritable signification politique. Quoique le ministère Melbourne ait répudié cette cause, c’est une conquête légale que garantit le progrès des mœurs et des idées, et que l’esprit public saura faire avec cette patiente lenteur dont ce pays a l’habitude. La proposition à laquelle M. Grote a attaché son nom, ne peut manquer de triompher un jour : l’opinion en est saisie et ne l’abandonnera pas. Son succès sortira infailliblement, ou de l’alliance du parti radical avec le ministère whig, si cette alliance se prolonge, ou d’un nouvelle entrée des tories aux affaires, évènement d’une réalisation probable au point où en sont les choses, mais qui rendrait certaine une réaction libérale dans l’avenir.

Lorsque l’on considère cette force toujours croissante du parti conservateur, au sein des communes, dans les trois élections générales accomplies depuis la réforme, en 1832, 1835 et 1837, il est impossible de n’être pas frappé de cette singulière vitalité.

Non-seulement le parti du church and state survit à une blessure que, d’après ses propres paroles, l’Europe estimait mortelle, non-seulement il résiste à une loi trouvée parfaite par Hume et O’Connell, et acceptée des plus violens radicaux ; mais depuis son adoption il tient en échec le cabinet whig, et lui fait dévorer des affronts quotidiens. Il vient cette année même de le contraindre à renoncer au principe d’appropriation, base de tous ses plans ; il a ou rejeté ou bouleversé tous ses bills pour l’Angleterre et pour l’Irlande, élevé

  1. Pétition du bourg de Buckingham, mars 1834.