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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/573

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REVUE. — CHRONIQUE.

question des rentes et plusieurs autres n’ont-elles pas été discutées par le ministère, avec tout le soin que devait comporter ce droit de proposition, exercé sur de si hautes et de si graves matières ? Quel ministre a hésité à se rendre dans le sein des commissions, et à y donner les détails les plus circonstanciés, à ce point qu’on pourrait demander, après avoir lu l’écrit de M. Duvergier de Hauranne, si la déférence des ministres envers quelques députés n’est pas sans inconvéniens ?

Récemment encore, une question de la plus haute importance, celle des sucres, a excité les pressantes réclamations des colonies, des ports, de tout le commerce maritime, qui objectaient qu’un retard pourrait être fatal, et qu’un soulagement reculé de quelques mois aurait peut-être un effet fâcheux sur le budget de nos recettes. Une partie de l’opposition pressait le ministère de trancher la question par une ordonnance. Le conseil supérieur du commerce, convoqué par le ministère, et auquel avaient assisté, durant plusieurs séances, tous les membres du cabinet, n’était pas éloigné d’une mesure par ordonnance royale. Mais la mesure entrait dans les droits de la chambre, et le ministère, plein de respect pour toutes les prérogatives, même pour celles qu’il tient dans ses mains, a ajourné la question, pour la soumettre à la législature. Voilà un exemple tout récent des tentatives du ministère pour annuler la chambre ! M. Duvergier de Hauranne ne dira pas moins qu’on fait bon marché de la puissance parlementaire, et il ajoutera, en se fermant les yeux à la manière des augures : « Je vois l’hésitation, l’incertitude, la lenteur, l’égoïsme d’une assemblée qui doute de sa propre puissance, et qui se croit appelée à contester plutôt qu’à diriger, à juger plutôt qu’à agir. »

C’est donc pour porter des accusations si mal fondées qu’un député prend la plume ! Ce sont des assertions si contraires à la vérité, qui fermentent dans son esprit, au point de ne pas lui permettre d’attendre la session, qui est si prochaine ! Il lui faut précipitamment une tribune pour proclamer sa pensée ! Et la chambre lui semble dans un péril si grand et si menaçant, qu’il ne peut différer de lui adresser, en toute hâte, ses salutaires avertissemens avant qu’elle se rassemble ! S’il en était ainsi, nous devrions respecter une conviction si ardente, et laisser passage à ce dévouement de bon député et de bon citoyen, tout irréfléchi, tout aveugle qu’il pourrait nous sembler. Mais si cette rupture avec la royauté, si ces inquiétudes sur l’indépendance de la chambre, si tout cela n’était que feinte et qu’un parti pris de lancer les élémens du gouvernement les uns contre les autres, que devrait-on penser de l’écrit de M. Duvergier de Hauranne ? Nous ne l’accuserons pas, nous laisserons parler son propre organe, la feuille qu’il rédige, qui reçoit les confidences et les premières communications de ses accès de verve périodique : « Un journal ministériel, dit-elle, se flattait qu’aux approches du combat décisif qui va se livrer, les diverses fractions de l’opposition se querelleraient entre elles, soit sur la réforme électorale, soit sur tout autre sujet. Il n’en sera rien, et les diverses fractions de l’opposition, tout en conservant chacune ses opinions et ses vues d’avenir, sont fort déterminées à marcher contre l’ennemi com-