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REVUE. — CHRONIQUE.

pin, que les doctrinaires essaient vainement d’entamer, triomphe des intrigues qu’on prépare, l’opposition du centre gauche, de l’extrême gauche et des doctrinaires, pourra se retirer sur l’adresse. Il y a plusieurs questions dans l’adresse, ou plutôt elles y sont toutes. Celle de l’Espagne se présentera en première ligne. M. Thiers et M. Odilon Barrot voteront-ils comme M. Guizot sur cette question ? Le parti doctrinaire adoptera-t-il le principe de l’intervention, le centre gauche et M. Thiers l’abandonneront-ils ? C’est après le vote seulement que nous pourrons dire s’il est bien moral, en effet, que l’opposition tout entière vote unanimement sur cette question.

Sur la réforme, M. Guizot, M. Duvergier voteront-ils, par un scrupule de morale, avec M. Garnier Pagès et M. Mauguin ? Sur les lois de septembre, l’opposition sera-t-elle également unanime ? Il n’y a cependant pas d’autre moyen de renverser le ministère. Il faut voter contre lui sur les différentes questions, voter ensemble, quelque opinion qu’on ait d’ailleurs, ou le subir encore pendant cette session. Toutefois, il est encore un moyen, et qui dispenserait les différens partis de la coalition de voter alternativement contre leurs propres principes. L’organe de la gauche réduit toute la question à ces paroles « Est-ce bien sincèrement que l’opposition trouve le cabinet du 15 avril déplorable ? Oui. Est-ce bien sincèrement que le centre gauche le juge de même ? Oui. Est-ce bien sincèrement, enfin, que les doctrinaires ont la même idée ? Oui. Eh bien, la sincérité de chacun de ces partis, dans cette opinion commune, voilà la moralité de leur accord. » — Ceci est un sentiment qui n’est fondé sur aucun fait précis ; mais un sentiment de ce genre peut trouver sa place dans l’adresse de la chambre ; il l’a même déjà trouvée, et sous les mêmes termes, dans une circonstance mémorable. Ici la coalition n’a rien à faire avec ses principes si divers qui doivent la diviser si elle tient à les suivre, comme le voudrait la morale dont on parle tant. Chaque parti peut lancer le blâme de son propre point de vue. Que la coalition essaie donc ses forces, qu’elle donne hardiment la mesure de la sympathie qu’elle a fait naître dans la majorité et dans le pays ; en un mot, qu’elle soit conséquente avec elle-même, en mettant dans l’adresse le mot qu’elle a sur la bouche, et qu’elle place si résolument dans ses écrits ! Que le ministère de l’amnistie soit traité par elle comme le fut par une majorité le ministère de M. de Polignac, et que ce mot déplorable, mis en avant par un de ses chefs, soit inscrit dans l’adresse. La question ministérielle sera bientôt jugée ! Mais au moins, si la coalition recule devant la pratique de ses propres pensées, et si, après avoir tenté de placer son épithète plus haut que dans un article de journal, elle échoue dans ses tentatives, elle ne trouvera pas mauvais que ce mot de déplorable retombe sur elle et sur ses projets.

Mais nous ne voulons pas limiter si étroitement le terrain de l’opposition. Le vote des fonds secrets est une belle occasion qui s’offre à elle. Si elle échoue dans la question de la présidence et dans celle de l’adresse, elle peut prendre dans cette discussion une éclatante revanche. Les partis qui composent la coalition seront bien à leur aise. La coalition n’a qu’à déclarer que le minis-