Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/821

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
817
L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

Cependant, à mesure que le commerce et l’industrie élevaient des existences indépendantes, celles-ci, comprimées par un système qui ne leur faisait aucune place, durent réclamer une participation au pouvoir local en même temps qu’au pouvoir politique ; mais ces réclamations souvent produites n’étaient pas en mesure d’être accueillies tant que le dogme de la prescription historique servirait de base à la constitution anglaise. Les corporations municipales défendaient leur monopole administratif au même titre que les bourgs pourris maintenaient leur privilége politique. Aussi, dès que, par le grand acte de 1832, l’Angleterre eut rompu la chaîne des temps, comprit-on, même dans les rangs du parti tory, l’impossibilité de défendre, en se plaçant sur le terrain des faits, le seul qui restât désormais à la discussion, une corruption qui avait perdu sa seule égide. De là cette réforme des corporations municipales et ce bouleversement complet du vieux système administratif, consommé en 1833 pour l’Écosse et en 1835 pour l’Angleterre.

Les populations saxonnes aux mœurs indépendantes et au génie pacifique, opprimées par une domination guerrière, s’en étaient successivement dégagées par l’effet des luttes intérieures où leur intervention pesa d’un si grand poids. Conquérant des priviléges, tantôt contre leur seigneur direct, le plus souvent contre leur suzerain, les bourgs que le gouvernement normand avait pour la plupart déclarés terres royales (terræ regis) obtinrent des chartes municipales sous condition de service militaire ou maritime, ou sous celle d’acquitter une rétribution fixe en argent. Les rapports du prince avec les villes de ses états prirent ainsi le caractère d’un bail perpétuel ; et le contrat primitif qui déterminait, d’un côté les concessions, de l’autre les redevances, resta comme le gage et le titre même de toutes les libertés locales.

Le texte de presque toutes ces chartes établissait que les habitans et leurs successeurs seraient considérés comme bourgeois. Mais lorsque ceux-ci furent en possession de ces avantages, ils imposèrent de telles conditions à l’acquisition du domicile, que tous les étrangers se trouvèrent exclus des prérogatives consignées dans les chartes, de telle sorte que ces avantages se concentrèrent graduellement parmi les seuls descendans des bourgeois auxquels le titre originaire avait été concédé. Réunis dans leur guild, ils s’arrogèrent bientôt le droit de se donner de nouveaux confrères, et se recrutant à leur gré par l’élection, ils firent du pouvoir local une sorte de propriété indépendante de tout contrôle populaire. Les corporations, perdant alors