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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/829

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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

de plus en plus compact et redoutable, et que la société devait rompre cette coalition menaçante sous peine de se voir brisée par elle.

Si l’imminence du danger devint manifeste, ses causes principales se révélèrent d’une manière non moins patente. Comment n’aurait-on pas mis au premier rang de celles-ci une magistrature, sans lien et sans contrôle, soumise à tous les abus du patronage, à tous les effets de la négligence et de la peur, dans le sein de laquelle l’expérience des uns ne profitait jamais aux autres ? Personne ne s’y trompa. On sentit qu’il fallait chercher le remède loin des voies où s’était engendré le mal ; et l’instinct public provoqua, d’une part, la création d’un pouvoir central pour diriger l’œuvre de la réforme, de l’autre celle du principe électif pour en vivifier l’application.

Des administrations choisies par tous les contribuables, dans des circonscriptions assez larges pour amortir l’effet des influences locales, au siége du gouvernement un bureau central d’où partiraient toutes les instructions et auquel aboutiraient tous les renseignemens, tel fut le double pivot du nouveau système proposé par le cabinet et adopté par le parlement. Son idée mère était fort simple : les facilités de la loi avaient multiplié les pauvres ; il fallait que ses rigueurs en restreignissent désormais le nombre ; il fallait surtout que la loi leur imposât l’obligation de rechercher le travail avec le même soin qu’ils mettaient à l’éviter ; et tout en maintenant des secours aux hommes valides (able bodied) en cas de véritable nécessité, elle aurait à constater cette nécessité de la manière la plus irréfragable, et ce but serait atteint, si elle ne distribuait les secours que dans un lieu frappé de réprobation par la terreur populaire, et dont on ne pût franchir la porte sans abdiquer sa liberté.

L’acte de 1834 a supprimé tous les secours à domicile distribués aux mendians valides sous quelque dénomination que ce puisse être. À la subvention en argent, il a substitué l’entretien dans des maisons de détention, où le travail est forcé, le régime sévère, la séquestration absolue. L’hospitalité de ces tristes demeures n’est déniée à personne ; mais quiconque y pénètre poussé par le désespoir et la faim, voit se rompre pour lui, tant qu’il en habite la sombre enceinte, toutes les affections de la famille, tous les liens qui l’attachent à la terre. La misère l’ensevelit vivant, et le malheur lui prépare un sort aussi terrible que le crime.

Disons sans hésiter que c’est là une loi de fer, et qu’une pareille extrémité est cruelle pour un peuple chrétien. Mais une réaction était