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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/852

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son enfance. D’une main tremblante, elle effleurait tour à tour les légères corolles de ces rameaux cueillis près de la maison paternelle, et dans leur calice desséché, dans leur arôme évanoui, elle semblait chercher les rêves décolorés de son printemps.

Mais ni la rigueur du climat, ni la longue obscurité des nuits d’hiver, ne peuvent altérer l’affection que ces habitans portent à leur pays. Ils l’aiment avec sincérité et le font aimer au voyageur par leur hospitalité cordiale ; ici tout étranger est comme un hôte de prédilection que la providence envoie aux habitans de la ville. La maîtresse de maison le regarde avec une sorte de sollicitude maternelle, et les jeunes filles au regard timide, aux cheveux blonds nattés, le servent elles-mêmes à table comme des filles de patriarche.

J’étais entré à Tromsœ, plein de curiosité, j’en sortis avec un sentiment de regret. Dans les maisons où l’on m’avait admis, mes yeux n’avaient pas reconnu le luxe d’un salon parisien ; sur la table dressée devant nous, on ne voyait ni les rœmer des bords du Rhin, ni les coupes roses de Bohême, mais j’avais rencontré partout un regard bienveillant, j’avais senti une main affectueuse se reposer dans la mienne comme une main de frère ; c’était là ce que je regrettais.

En naviguant plus loin vers le nord, nous aperçûmes encore les mêmes montagnes arides, les mêmes ravins remplis de neige, que nous n’avions presque pas cessé de voir depuis le district de Drontheim. Mais bientôt nous arrivâmes sur la côte d’Alten, lieu cité par les naturalistes comme un phénomène. Et n’est-ce pas un vrai phénomène que ces coteaux qui reverdissent au milieu d’une contrée couverte de neige, et cette terre septentrionale qui tout-à-coup semble se ranimer, qui recueille ses forces et porte dans les airs de grandes tiges de pins et des forêts de bouleaux ? Alten était autrefois la résidence du gouverneur de Finmark : la maison qu’il occupait va être convertie en hôpital ; ce lieu sera réservé surtout aux pauvres pêcheurs attaqués de la lèpre et aux incurables. Déjà le médecin attaché à cet établissement est venu s’y installer, et l’on dit que l’hiver prochain quarante malades pourront y être admis ; c’est bien peu si l’on songe à l’étendue du district auquel il est destiné et à la quantité de malheureux qui languissent dans l’abandon ; mais jusqu’à présent nulle institution de ce genre n’avait été fondée en Finmark. C’est une œuvre de bienfaisance dont on doit louer le gouvernement. Dans cette province aride, partout où il y a un coin de terre habitable, l’homme accourt aussitôt pour y construire sa demeure. Tout le contour du golfe d’Alten est parsemé d’habitations ; à une demi-lieue de l’ancienne maison du gouverneur est Bosekop (baie de la baleine), joli hameau où l’on trouve un riche marchand et une bonne auberge. Vis-à-vis est Talvig, chef-lieu de la paroisse, et à un mille de là Kaafiord.

Kaafiord n’était encore, il y a quinze ans, qu’une baie déserte ; l’habileté d’un négociant anglais y a fondé une colonie. Une mine de cuivre, découverte dans la montagne voisine du golfe, exploitée avec intelligence, est devenue pour lui un moyen de fortune et pour tout le pays une source de prospérité.