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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/1006

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REVUE DES DEUX MONDES.

de Caligula. L’obélisque est surmonté d’un globe et d’une croix dorée. L’éléphant est, depuis la domination des rois suèves, le signe héraldique ou le blason de Catane. La rue de l’Etna vous mène ensuite près du palais de l’université, établissement qui a un grand renom dans l’Europe entière. Trois étages conçus dans trois genres différens, le dorique, l’ionien et l’attique, quelques statues, des balcons de marbre, et l’aigle sicilienne soutenant l’écusson de Sicile au-dessus de la principale porte, en un mot, toute la profusion architecturale du XVIIe siècle distingue extérieurement cet édifice, dont l’origine se perd dans la nuit des plus anciennes dissertations savantes. Voici ce que m’en ont raconté les érudits de Catane. Les Grecs créèrent jadis en ce lieu un cirque ou hippodrome pour célébrer les jeux de la fête de Bacchus. Là on couronnait aussi les poètes qui composaient les meilleurs vers en l’honneur du Dieu, et dans la suite on leur offrit un asile en ce même lieu. L’arène, — l’arène des coureurs, et non celle des poètes, — était elliptique, et aux deux extrémités se trouvaient, pour marquer le but, deux obélisques, dont l’un est celui qui figure sur la fontaine du dôme, ce qu’il est permis de révoquer en doute, et l’autre, qui est brisé, se trouve dans le musée du prince Biscari. En outre, les Grecs avaient créé une naumachie où manœuvraient des modèles de galères ; on en voyait encore les restes au temps de Bolano, qui a écrit un gros traité de Rebus Catanœ ; mais tout a été enseveli dans les laves de 1669, au dire des antiquaires. Sous Iéron Ier, roi de Syracuse, grand protecteur des lettres et des arts, l’académie de Catane, où le roi venait souvent avec un cortége d’hommes instruits, devint un collége de savans ; ce fut alors que la connaissance de l’alphabet, inventé par les Phéniciens, fut apportée par les Grecs en Sicile, où l’on se servit bientôt de l’écriture alphabétique comme de l’écriture hiéroglyphique. Catane se pique aussi d’avoir parlé à cette époque le dialecte ionien, venu de l’Attique, tandis que le reste de la Sicile se contentait du dialecte de l’Achaïe. Cette place académique fut encore célèbre par les divertissemens qui y eurent lieu au temps de la domination espagnole et autrichienne. Ces jeux consistaient en carrousels, en combats, en tournois ; on y faisait la course des roseaux, exercice emprunté aux Sarrassins ; souvent encore on transformait la place en une campagne où l’on figurait une chasse au faucon, et quelquefois même au loup et au sanglier. Enfin, on y élevait un théâtre, et l’on représentait des pièces satiriques en idiome sicilien, comme le Notti di Palermù, le seul ouvrage de ce genre qui se soit conservé ; mais l’esprit dut céder