Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/1054

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
1050
REVUE DES DEUX MONDES.

au temps de Périclès, le procédé de peinture le plus généralement employé. Les grands édifices publics, les temples, les portiques, etc., étaient-ils, suivant l’usage égyptien, couverts sur toutes leurs parois de peintures et de fresques représentant la légende du dieu ou du héros auquel ces édifices étaient consacrés ; ou bien ces monumens, dont quelques parties paraissent en effet avoir été coloriées, recevaient-ils pour principale ornementation intérieure, des tableaux peints sur bois, que l’on encastrait dans le mur, à la manière des bas-reliefs ? Cette dernière opinion, qui est celle de M. Raoul-Rochette, a été exposée par lui, d’abord succinctement dans son Cours d’archéologie, puis dans le Journal des Savans, dans ses Recherches sur l’emploi de la peinture chez les Grecs et chez les Romains et dans ses Peintures antiques. Combattu violemment par plusieurs antiquaires, notamment par M. Letronne, M. Raoul-Rochette répond ici aux objections de ses adversaires et appuie, par des argumens nouveaux, son opinion, dans laquelle une nouvelle étude des textes et des monumens n’a fait que le confirmer. Dans sa première lettre, adressée à M. Hermann, l’auteur s’attache à établir, par le rapprochement d’un grand nombre de passages tirés surtout de Pausanias, la valeur exacte et grammaticale des expressions grecques qui peuvent servir à distinguer les peintures exécutées sur mur, des tableaux mobiles, peints sur bois et appliqués seulement sur les murailles. L’auteur passe de cette discussion philologique à l’examen de quatre monumens d’Athènes, célèbres par les peintures qui les décoraient, le Théséion, le Pœcile, la Pinacothèque des Propylées et l’Érechthéion de l’Acropole. Aux témoignages des voyageurs qui décrivent l’état actuel de ces monumens, M. Raoul-Rochette joint ses propres observations, qu’il doit publier bientôt avec plus d’étendue dans le supplément qu’il prépare aux Antiquités d’Athènes. Dans sa seconde lettre, adressée à M. Boeckh, M. Raoul-Rochette traite surtout de la signification du mot qu’il ne croit pas, comme d’autres philologues, propre à désigner toute espèce de peintures, mais seulement une table de bois mobile, un tableau. Enfin, dans la troisième lettre, adressée à M. Welcher, l’auteur établit que le principal emploi de la peinture en Grèce consistait en tableaux votifs, et il fait à deux édifices d’Athènes, l’Eleusinion et le Thesmophorion, restés jusqu’ici en dehors de cette discussion, l’application de sa doctrine. Nous sommes bien éloignés, comme on pense, d’avoir la présomption de trancher en quelques lignes une question qui divise encore, au moins sur quelques points, les plus habiles antiquaires de l’Europe ; mais nous n’avons pas cru pouvoir nous dispenser de recommander aux amis des études archéologiques et philologiques cette nouvelle et importante publication.


V. de Mars.