Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
REVUE DES DEUX MONDES.

retirer ; celle-ci s’amuse et veut rester ; Cassandrino insiste, sa femme répond aigrement ; Cassandrino se fâche ; première querelle, dans laquelle tous les aimables parens de l’eminente que nous connaissons prennent parti contre le malheureux mari. Il cède donc et se résigne. Martyrisé par son costume à la mode, ruiné par les folles dépenses de cette journée, contrarié dans ses amours, le pauvre Cassandrino prend des airs féroces ; sa mauvaise humeur s’accroît d’instant en instant, et il se promet bien de se venger dans le tête à tête. Sans s’inquiéter de la colère de Cassandrino, sa femme danse et valse avec le rival préféré. C’est un jeune peintre français nouvellement arrivé à Rome et qui paraît très résolu et très insolent ; à Rome, c’est le caractère obligé du Français. Si Cassandrino se permet une observation, le Français le regarde de haut en bas avec son lorgnon et lui tourne le dos d’un air si méprisant, que le Romain perdrait patience s’il n’avait pas un peu peur.

La fête tire à sa fin ; Cassandrino a réussi à s’emparer du bras de l’épousée, et l’entraîne avec brusquerie. Le jeune fat la suit de très près, et, profitant du moment où le bonhomme a le dos tourné, il se permet avec elle des familiarités qui mettent toute la salle en gaieté. Le petit personnage exécute avec une précision des plus drôles cette pantomime fort leste, que nous ne décrirons pas ici. L’eminente, loin de paraître offensée de ces libertés, y répond par une œillade encourageante ; le rideau tombe, et l’on peut facilement deviner quelle dernière infortune attend le pauvre mari.

En effet, dans une autre pièce, reproduction littérale de George Dandin, ou qui n’est peut-être que l’ancien canevas italien sur lequel Molière a admirablement brodé, Cassandrino, qui ne peut se résigner à sa mésaventure, soutient avec sa coquette moitié une lutte toujours inégale. Celle-ci se moque de son vieux mari comme Angélique de George Dandin, et tandis qu’il dort, elle fait comme elle des escampativos. Mais Cassandrino s’est réveillé à propos, et quand la coupable veut rentrer, elle trouve la porte fermée ; celle-ci se livre tour à tour au désespoir ou à la colère, supplie ou menace. Cassandrino, que son ingratitude a ulcéré, est inexorable. Alors la rusée, au lieu de feindre de se frapper d’un couteau, menace son mari de se jeter dans un puits qui est près de la porte. Cassandrino tient bon et se permet même de mauvaises plaisanteries sur la légèreté des femmes, qui, dit-il, doivent surnager au-dessus de l’eau comme le liége. « Eh bien ! méchant homme, viens voir si je surnage. » L’eminente, en disant cela, ramasse un gros pavé qu’elle jette dans le puits, ayant soin de se blottir derrière le rebord. Cassandrino entend le