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POÈTES MODERNES DE LA FRANCE.

veler sa palette, rafraîchir ses couleurs. Je veux donc croire que M. Casimir Delavigne, sous prétexte, ou tout au moins par occasion de santé, obéit avant tout à une nécessité poétique du moment. Il s’en fut voir cette Italie que naguère il conviait par un appel trop vague à la liberté, et avant de partir, afin de ne rien omettre de convenu, il dit à la France ses adieux quelque peu fastueux d’artiste voyageur. M. Delavigne, ainsi que cela convenait tout-à-fait à un poète libéral, dut promener ses pas dans tous les lieux qui pouvaient fournir texte à ses exhumations d’un passé glorieux, ou à ses imprécations contre un présent déchu. Ainsi, le voyons-nous s’asseoir sous les portiques du Forum où sa pensée évoque vainement, par un clair de lune, les noms de Cicéron, de Numa, de Michel-Ange et du Tasse ; il adresse une consultation virgilienne à l’antre de la sibylle, qui n’avait plus d’écho pour les noms de patrie et de liberté. À Venise, où l’herbe croissait sur les degrés des palais de marbre, il gémit à la vue du lion de Saint-Marc dégénéré, et toute sa consolation alors est de penser au réveil valeureux des Hellènes. Le résultat de ce pèlerinage fut la publication, au retour, de sept nouvelles Messéniennes inspirées par les circonstances diverses qui l’avaient plus ou moins poétiquement signalé. Trois jours de Christophe Colomb, le Vaisseau, la Sibylle, les Funérailles du général Foy, Adieux à Rome, Promenade au Lido, tels en étaient les titres. Par malheur, ces productions ne rappelèrent tout-à-fait que par le nom commun les premières élégies de M. Casimir Delavigne. Le mérite poétique en était sensiblement moindre. Bien que ce fût encore la même élégance, la même pureté, la même habileté d’exécution dans le détail, cependant les plans étaient bien moins heureux, on sentait l’effort dans l’ascension lyrique, le vide se laissait trop apercevoir sous le pli flottant des draperies. « C’est un salon toujours magnifiquement décoré, disait quelqu’un, même lorsque la maîtresse est absente. » Quant aux sujets, quant à l’à-propos des nouvelles Messéniennes, ils n’avaient plus de beaucoup la même valeur qu’autrefois. C’étaient, pour la plupart, des thèmes convenus, apprêtés, auxquels correspondait une inspiration toute artificielle. Il s’agissait surtout d’impressions personnelles au poète, et si, par aventure, quelque fait public se trouvait en cause, il reposait tout uniment sur une fiction ou même sur une hypothèse : ainsi de ce vaisseau qui devait porter à Constantinople M. Strafford-Canning, dont la mission était, disait-on, l’affranchissement de la Grèce. Dans les Funérailles du général Foy, avec le meilleur désir de rester poète national, même hors de son