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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/409

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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

Par le hasard l’une à l’autre enlacées,
Non par dessein : le dessein y nuirait.
L’heureux loisir qui délasse ma vie
Perd de son charme en perdant son secret ;
Il est volage, irrégulier, distrait ;
Le nonchaloir ajoute à son attrait,
Et sa douceur est dans sa fantaisie.
On se néglige, il semble qu’on s’oublie,
Et cependant on se possède mieux.
On doit alors à la bonté des Dieux
Deux attributs de leur grandeur suprême ;
Car on existe, on est tout par soi-même,
Et l’on embrasse et les temps et les lieux.
En fait de biens chacun a son système,
Desquels le moindre a du prix à mon gré
Si l’un pourtant doit être préféré,
Jouir est bon, mais c’est rêver que j’aime[1].

La clarté facile et la grace mélodieuse distinguent ce petit nombre de vers de Nodier ; et il s’étend même assez souvent avec complaisance sur ce chapitre des qualités naturelles, pour qu’on y puisse voir sans malice une leçon insinuante à ses jeunes amis. En homme revenu et sage il se faisait toutes les objections, en ami chaud il ne les disait pas. Voici une pièce de lui peu connue, et qui n’a pas été insérée dans son volume de vers : c’est une petite poétique, telle, ce me semble, qu’à deux ou trois mots près l’aurait pu signer La Fontaine.

DU STYLE

« Tout bon habitant du Marais
« Fait des vers qui ne coûtent guère,
« Moi c’est ainsi que je les fais,
« Et, si je voulais les mieux faire,
« Je les ferais bien plus mauvais. »

C’est ainsi que parlait Chapelle,
Et moi je pense comme lui.
Le vers qui vient sans qu’on l’appelle,
Voilà le vers qu’on se rappelle.
Rimer autrement, c’est ennui.
 

  1. Le Fou de Pirée, conte.