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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/490

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rait au moins dans la sphère commerciale dont la banque serait le centre. Dans ce cas, les billets escomptés resteraient en portefeuille jusqu’à leur échéance, et il en résulterait un bénéfice qui permettrait de distribuer le crédit à un prix très favorable. Si, au contraire, il fallait faire face à des remboursemens répétés, la petite banque viderait son portefeuille dans celui de la banque centrale, qui n’aurait rien à craindre en traitant avec les établissemens secondaires, parce que, les dominant dans la hiérarchie des institutions de crédit, elle se réserverait comme un droit d’en contrôler la situation. Ainsi, la Banque de France trouverait dans ces intermédiaires une caution plus solide à coup sûr que celle de l’endosseur qui lui suffit présentement. Les comptoirs spéciaux quoique ayant des intérêts distincts de ceux de la banque privilégiée, seraient en quelque sorte une de ses dépendances, et, loin de lui opposer une concurrence, ils en simplifieraient l’action et en augmenteraient les profits.

Nous prévoyons la contradiction. On dira que les membres d’un comité d’escompte pourraient s’armer de leur influence contre leurs rivaux en industrie et ruiner leur crédit en condamnant leurs signatures. Ce vice est celui de toutes les banques par actions ; mais, du moins, dans l’organisation que nous appelons de nos vœux, il serait atténué par la publicité des actes. Peut-être encore retournera-t-on contre nous l’objection que nous avons opposée à d’autres systèmes, en disant qu’une émission simultanée d’un grand nombre d’effets de crédit précipiterait la circulation et causerait l’avilissement du numéraire. Il nous semble que des mandats émis par une caisse industrielle pourraient acquérir la valeur de l’argent dans une sphère limitée ; mais qu’ils entreraient difficilement dans la circulation générale, c’est-à-dire qu’ils faciliteraient les transactions sans devenir précisément papier-monnaie.

Au surplus, il est probable que de plus habiles dissiperaient les préventions, en développant le mécanisme dont nous indiquons seulement la loi générale. Il nous suffit d’établir qu’avec des caisses particulières constituées de façon à cautionner les individus auprès d’un grand comptoir national, le petit commerce aurait chance de s’affranchir de l’oppression des gros capitaux ; qu’ainsi, l’égalité qui n’existe encore que devant les tribunaux, s’introduirait dans le domaine des intérêts positifs. En même temps on verrait se former au sein de chaque industrie un pouvoir modérateur qui, sans porter atteinte au grand principe de la liberté commerciale, préviendrait les crises en comprimant la spéculation désordonnée, la concurrence déloyale et désastreuse. Un bon système de crédit extensible à tous les genres d’entreprises ne serait-il pas un instrument politique d’immense portée ? Un gouvernement qui pourrait à volonté surexciter les intérêts en souffrance, les exploitations frappées de langueur, ne deviendrait-il pas en quelque sorte invulnérable ? Par exemple, un remède s’offrirait de lui-même pour notre industrie agricole dont l’état alarmant est révélé par la détresse de la propriété foncière. Il est évident enfin que l’aisance générale, développée par une meilleure organisation du crédit privé, fournirait le moyen le plus efficace, le seul moyen peut-être d’améliorer les conditions du crédit public et de réduire progressivement la dette nationale.