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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/834

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ornement sur la cheminée ou sur quelque console de l’antichambre. C’est un paratonnerre contre la jetatura. Un jetatore n’est autre chose qu’un magicien qui peut, à volonté, et quelquefois même sans le savoir, vous jeter un mauvais sort. Cette croyance vient encore de l’Orient. Les Napolitains l’ont traduite sur la scène sans oser toutefois la ridiculiser. Pulcinella jetatore est une assez bonne farce ; ce n’est pas du malicieux enchanteur que le parterre se moque, mais de ceux auxquels il joue de mauvais tours : tous les rieurs sont du côté de Polichinelle, car la plupart de ceux qui sont là ne doutent point de la vertu des charmes qu’il emploie.

Le théâtre à Naples, nous parlons du théâtre vraiment national, a de tout temps été soumis à ces diverses influences, soit morales, soit littéraires. La magie, la féerie, dominent dans ces pièces à grand fracas qui plaisent tant au peuple, et qui rappellent plutôt les jornadas espagnoles que nos mélodrames. D’un autre côté, la comédie de caractère tourne presque toujours à l’imbroglio. L’action n’est jamais une, elle se complique d’autres actions parallèles qui amènent des surprises et des évènemens en foule, et qui se nouent et se dénouent avec une rapidité que le spectateur a peine à suivre. Ces pièces, dont le dialogue manque à la fois de naturel et de finesse, peuvent amuser la curiosité ; elles ne satisfont pas l’esprit. Il semble que les auteurs dramatiques du pays, à commencer par l’inépuisable Camerana, cette providence du théâtre San-Carlino, ne connaissent encore d’autre poétique que la Propaladia de l’Espagnol Torrès-Naharro, qui, vers 1517, régentait le théâtre de Naples[1].

Le peuple de Naples est fort curieux et se dégoûte facilement ; les pièces qui composent le répertoire de ses théâtres sont donc innombrables. Giambatista della Porta, Lombardi, Cortese, Cozenza, Camerana, sont les plus féconds des auteurs dramatiques napolitains ; la plupart de ces pièces sont de faciles improvisations, brodées sur des canevas fort compliqués. Peu de ces comédies ont survécu à l’improvisation et ont été imprimées. La Cintia et la Sorella du physiologiste Porta, le théâtre moral de Genoino et quelques petites comé-

  1. Cette poétique de Torrès-Naharro se trouve en tête de sa Propaladia, ou recueil de ses comédies. Ces comédies, contemporaines de la Mandragore de Machiavel et des pièces de l’Arétin, furent représentées devant Léon X, qui, ainsi que nous l’apprend M. Scribe, avait aussi honoré la Mandragore de sa présence, ce qui, ajoute-il, prouve un grand libéralisme de sa part. La Soldadesca, la Trophea et la Yemenea sont les meilleures de ces pièces, spirituelles, licencieuses, et d’une grande hardiesse. Elles furent imprimées à Naples en 1517.