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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/854

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REVUE DES DEUX MONDES.

dans une foule d’autres pièces, la Napolitaine paraît sous son véritable caractère et dans le déshabillé moral le plus complet.

Ces parades plaisent beaucoup au peuple. Il y retrouve tous les détails de sa vie journalière habilement retracés, mis en relief par un dialogue plaisant, le tout entremêlé des contes et des saillies de Pulcinella. Ces hommes si près de la nature jouissent de ces folies en vrais enfans, applaudissant, criant, riant à se tordre. Le spectacle du parterre et des galeries est peut-être plus amusant pour un étranger que celui de la scène. Ces pièces sont intriguées de la manière la plus vive, et, comme nous l’avons dit, tournent à l’imbroglio ; celles du vieux répertoire sont encore les meilleures. Il en est qui ont le privilège de faire rire le peuple depuis plus d’un siècle et dans lesquelles le même acteur s’est distingué pendant soixante et dix ans ; don Procolo est de ce nombre. Le sujet de cette bouffonnerie est tiré d’une nouvelle de Straparole, mais avec de nombreuses variantes et une broderie de fraîche date, qui en fait tout le mérite.

Don Procolo est un vieux professeur de belles lettres qui a épousé une jeune femme et qui compte sur ses agrémens personnels et son esprit pour s’en faire aimer et la rendre fidèle. Don Procolo, malgré son âge, affecte les manières d’un jeune homme ; sa démarche est sautillante, son œil vif et son toupet bien frisé. Il explique de préférence à ses élèves les élégies de Tibulle et l’Art d’aimer d’Ovide ; et comme depuis qu’il a une jolie femme, il se croit un modèle de galanterie, il joint de curieux commentaires à la théorie du poète, et se met dans la tête d’enseigner à ses auditeurs la pratique de cette gaie science, en un mot, de leur apprendre à faire l’amour. Pulcinella, le plus spirituel et le plus avancé de ses écoliers, a bonne envie de mettre ses leçons à profit. Don Procolo, enchanté de ses dispositions, l’encourage. — Vous êtes jeune, lui dit-il, et si vous n’êtes pas des plus beaux garçons de la ville, du moins votre tournure est originale ; vous avez le mérite de ne ressembler à personne, ce qui, auprès des femmes, a bien son prix. Mettez-vous en quête, trouvez une belle, et je vous réponds que, si vous voulez suivre mes avis, vous lui plairez, et que vous serez heureux.

L’écolier se met aussitôt en campagne. Le lendemain il vient trouver don Procolo à son cours, et lui raconte qu’il a vu à l’église une femme ravissante.

— Est-elle jeune ? — C’est un enfant. — Est-elle jolie ? — Comme Vénus. — Connaissez-vous sa demeure ? Pas encore. — C’est bien ; alors suivez la dame, sachez où elle habite, et avec un peu d’adresse