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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/875

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REVUE. — CHRONIQUE.

qu’une discussion, et tout calcul est de mauvais goût, eût-il pour but une allocation supérieure à la demande.

Au lieu de cette marche simple et rapide, la commission a suivi les erremens de toutes les commissions qui se forment aujourd’hui. Elle a voulu administrer. C’est la manie du jour. Aussi toute idée de gouvernement s’oblitère de plus en plus, et cette action ferme et puissante qui, dans notre admirable organisation unitaire, pourrait s’allier si heureusement à une délibération libre et vive, cette action, dis-je, s’énerve tous les jours davantage. Il n’est pas de commission qui ne se croie un ministère au petit pied. Non-seulement les commissions ont les mains pleines de systèmes et de projets sur la politique et la guerre, sur la marine et le commerce, sur l’administration, les finances, l’instruction publique, les beaux arts ; mais il n’y a pas de détail, même administratif et quelque minime qu’il soit, qu’elles ne prétendent régler par la loi. Bientôt les administrateurs ne seront plus que des machines ; on les aura dépouillés de tout, sauf toutefois de leur responsabilité. Tout conspire à cette fin, un peu la faiblesse des uns, beaucoup la vanité des autres, et plus que tout nos opinions incertaines, nos faibles convictions, notre dédain de la hiérarchie et de la règle. Qu’on repasse dans son esprit tous les faits auxquels nous faisons allusion ; on trouve certes quelque peu à rire, mais on y trouve surtout de justes sujets d’inquiétude et d’alarme.

La commission pour le projet de translation, dans son désir d’y mettre du sien, a été entraînée au-delà du but ; elle l’a complètement perdu de vue : elle a dénaturé la pensée du gouvernement, la seule qui fût vraiment digne de Napoléon.

La commission a cru qu’il s’agissait d’élever un monument à la gloire de l’empereur, de la rehausser, de la montrer à la postérité dans toute sa grandeur, dans tout son éclat. C’est sous l’empire de cette idée que la commission doublait la somme, qu’elle imaginait la statue équestre, et s’en allait visiter, analyser, comparer Saint-Denis, le Panthéon, les Invalides, l’arc de l’Étoile, la Madelaine, que sais-je ? Fort heureusement qu’elle n’a pas eu la pensée de se transporter sur tous les champs de bataille de l’admirable campagne de 1814, pour voir s’il n’eût pas été possible d’élever quelque part une pyramide impériale.

La gloire de Napoléon ! Et que pouvons-nous faire pour l’agrandir, pour lui donner plus d’éclat ? Nos monumens, nos statues, nos bas-reliefs, nos dorures seront-ils plus durables, seront-ils plus grands que le Saint-Bernard et le Simplon ? Napoléon ne nous a rien laissé à faire pour sa gloire. D’ailleurs, tout ce qu’on pouvait imaginer de noble et de digne pour conserver le souvenir de cette gloire toute française, la monarchie de juillet l’a accompli. Elle l’a accompli sur la place Vendôme, en replaçant en quelque sorte Napoléon à la tête de sa grande armée, elle l’a accompli à l’arc de l’Étoile qu’elle a achevé ; elle l’a accompli avec une noble profusion qu’on n’a pas assez louée et admirée, dans les magnifiques salles de Versailles. Et comme il est impossible de nommer Versailles sans songer à Louis XIV, disons en passant que l’empereur