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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/877

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REVUE. — CHRONIQUE.

la commission ; dans la gauche, les hommes qui, voyant préparer, au lieu de pieuses et solennelles funérailles, une sorte d’apothéose générale, ont craint de voter l’exaltation du despotisme impérial ; dans la droite, les hommes qui ont cru entrevoir derrière les voiles funèbres plus encore que des larmes et des regrets, des espérances coupables et de folles prétentions. Loin de nous la pensée que ces soupçons et ces craintes aient le moindre fondement ; mais nous ne blâmerons jamais ni les amis de la liberté qui font leurs réserves vis-à-vis de tout despotisme, quelque glorieux qu’il puisse être, ni les amis de notre monarchie et de nos institutions qui veillent à leur conservation, même d’un œil quelque peu soupçonneux et avec une sollicitude facile à alarmer.

La délibération de la chambre s’est ressentie des embarras que créait le projet de la commission. Le ministère a eu le tort (la vérité pour tous) de ne pas expliquer sa pensée au moment le plus opportun ; l’assemblée a eu le tort de ne pas vouloir écouter les explications même tardives que M. le président du conseil désirait et avait le droit de lui donner.

Le projet du gouvernement a été adopté, si ce n’est avec le calme et l’unanimité qui auraient été désirables, du moins à une très grande majorité ; d’ailleurs les boules noires qui se sont trouvées dans l’urne étaient une protestation, une réserve, plutôt que l’expression d’un refus. Il n’y a pas de Français qui refuse sur la terre de France une sépulture digne de lui au vainqueur de Marengo et au fondateur de nos Codes.

Aujourd’hui le projet du gouvernement a repris son cours naturel et son vrai caractère. M. de Rémusat l’a présenté à la chambre des pairs en l’accompagnant d’un exposé des motifs plein de mesure, de convenance, de dignité. Il était facile d’apercevoir avec quel sentiment général de satisfaction et d’approbation il était accueilli sur tous les bancs de la pairie. « Peut-être, a dit le gouvernement, le crédit proposé ne suffira-t-il pas. Des supplémens seront alors nécessaires et vous seront demandés. La chambre des députés ne l’ignorait pas ; mais elle a voulu maintenir la rédaction primitive du gouvernement. » C’est là le vrai. Encore une fois, on a soulevé un grand débat sans causes sérieuses, on a fait du bruit là où tout nous commandait le silence et le recueillement.

Nous ne craignons point de dire notre pensée tout entière, dût-elle nous attirer d’injustes attaques, dût-elle, comme cela arrive presque toujours en pareil cas, être mal interprétée et complètement dénaturée.

Au premier moment, le jour même du vote de la loi, la pensée d’une souscription a dû s’offrir tout naturellement à l’esprit de tous ceux qui étaient surpris, irrités du refus des deux millions ; mais, dans le calme de la réflexion, peut-on ne pas envisager ce fait sous son véritable point de vue ?

Une souscription pour les funérailles de l’empereur, pour le tombeau de Napoléon ! Y pense-t-on ? Mais vous avez beau l’appeler nationale, la répandre, la prôner, une souscription ne sera jamais qu’un fait particulier. Les souscripteurs ne sont pas la France. Or, c’est la France, c’est la nation qui doit seule pourvoir aux frais de cette auguste cérémonie, de ce monument national. La