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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/917

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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

de divergences à une véritable unité. Toutefois, il n’eût peut-être pas été impossible d’y arriver avec le temps, à cause de la tendance favorable au pouvoir monarchique qui se manifestait partout en Europe ; mais l’œuvre à peine commencée fut arrêtée par la réforme, qui établit dans l’empire une division à jamais irrémédiable. Après la mort de Maximilien, les électeurs n’accordèrent leurs suffrages à Charles-Quint qu’après lui avoir lié les mains par un traité appelé capitulation, où leurs priviléges et leur indépendance étaient garantis par des promesses solennelles. De semblables promesses furent depuis lors imposées à tous les empereurs, et devinrent la condition obligée de leur élection. Charles-Quint s’occupa le moins qu’il put de l’Allemagne, où il vint rarement et où il ne résida jamais long-temps ; il abandonna à son frère Ferdinand les possessions de sa maison dans ce pays, et le nomma son lieutenant dans le gouvernement de l’empire. L’Espagne, les Pays-Bas, l’Italie, l’Amérique, absorbèrent tous ses soins : il ne put donner aux affaires d’Allemagne qu’une attention distraite et partagée, et laissa ainsi son libre cours à une révolution religieuse qui devait changer la face de l’Europe. La réforme fut favorisée par les princes parce qu’elle leur promettait de les rendre plus maîtres chez eux et d’augmenter leurs richesses aux dépens de celles de l’église. Quelques maisons princières en retirèrent en effet de grands avantages, mais c’en fut fait de l’unité de l’Allemagne, et par conséquent de son importance politique en Europe. Six ans après le jour où Luther avait brûlé à Wittemberg la bulle du pape qui le condamnait, deux ligues, l’une catholique, l’autre protestante, étaient en présence avec des forces à peu près égales. Quelques années plus tard, les protestans formaient une alliance avec le roi de France pour faire la guerre à l’empereur, et donnaient l’exemple, trop souvent imité depuis, d’appeler l’étranger à intervenir dans les affaires de leur patrie. L’alliance française leur valut la paix de religion qui constitua politiquement le protestantisme et établit deux états dans l’état ; elle coûta à l’empire les trois évêchés lorrains, dont la France resta en possession. Sous le régime de la paix de religion, la réforme fit des progrès rapides, neutralisés seulement par les divisions entre les sectes protestantes et par l’activité et le prosélytisme habile des jésuites. Presque tous les princes laïques embrassèrent la réforme ; mais la maison d’Autriche, restée catholique, conserva la dignité impériale, et aucune des deux religions ne put devenir prédominante. Enfin, après un demi-siècle de controverses, de querelles sans fin, de troubles sans cesse renaissans, on en appela aux armes, et la