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Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/97

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LES MISSISSIPIENS.

LE DUC.

Vous me rendez là un méchant service, monsieur le justicier, monsieur le philosophe ! Je ne veux point de restitution ; je préfère la main de Louise.

GEORGE.

Vous n’êtes pas libre d’opter, monsieur le duc ; vous êtes forcé d’accepter la restitution. Ce sont les termes de l’acte que vous avez passé. Quant au service que je vous rends, il est très grand. Je vous fais restituer une aisance dont, à votre âge, il eut été impossible de vous passer, et je vous préserve de la haine d’une épouse qu’à votre âge vous ne pouviez pas espérer de charmer.

LE DUC.

Vous êtes rude en paroles, monsieur le citoyen de l’Amérique ; mais vous avez peut-être fort raison, car vous avez su conduire votre propre barque.

GEORGE.

Attendez la fin pour me juger, monsieur le duc.

BOURSET, entre avec un papier.

Tenez, monsieur, voici une hypothèque de paiement sur ma terre de Lagny ; c’est une première et unique hypothèque, vous le voyez, et la terre vaut deux millions. Avant une heure, si vous voulez, elle sera légalisée.

LE DUC, prenant le billet.

Allons, me voilà remboursé malgré moi ! Je vous rends les armes, maître Freeman.

BOURSET.

Maintenant, monsieur, vous avez ma parole. Je vous donne la main de ma fille.

GEORGE.

Je ne vous l’ai pas demandée, monsieur.

BOURSET.

Comment ?… Est-ce que…

(Julie rentre. George la salue, s’approche d’elle et lui prend la main.)
GEORGE.

Ma cousine, veuillez aider M. Bourset à reconnaître le chevalier Léonce de Puymonfort, qui lui a fait rembourser depuis long-temps une petite dette de quatre cent vingt-cinq louis, et qui par conséquent ne craint plus de sa part l’effet d’une lettre de cachet.

BOURSET, de plus en plus effrayé.

Vous êtes un revenant !

LE DUC.

Palsambleu ! mon pauvre chevalier, je ne m’attendais pas à te rencontrer un jour sur mon chemin en fait de mariage, lorsque, il y a dix-sept ans, je fis manquer le tien… Au diable la rivalité ! Je t’ai toujours aimé, je t’ai regretté absent, je t’ai pleuré mort, et je te revois avec une vraie joie. Il faut que je t’embrasse ! (Il l’embrasse.)