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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/364

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REVUE DES DEUX MONDES.

où la physionomie germanique et la physionomie gallo-romaine semblent se confondre dans un état intermédiaire, qui n’est ni la franche barbarie du Nord, ni la vieille corruption romaine, situation nouvelle, qu’on pourrait appeler la barbarie gallo-franque.

Ces Récits n’offrent point une histoire continue des évènemens arrivés sous la première race. À la suite exacte des faits et à l’unité de composition, très difficiles à conserver au milieu des complications politiques de cette époque, M. Thierry a préféré le récit par masses détachées, ayant chacune pour fil la vie ou les aventures de quelque personnage célèbre. L’auteur n’a donné, dans les deux volumes déjà publiés, que six tableaux épisodiques ; il ne lui faut pas moins de deux nouveaux volumes pour compléter cette histoire ou plutôt cette série d’histoires disposées par groupes et fractionnées par petits centres d’action, à peu près comme l’était elle-même la société mérovingienne.

Nous n’insisterons pas sur le mérite de ces six morceaux, qui nous montrent, sous toutes les faces, la vie politique, civile et religieuse du VIe siècle, l’intérieur de la maison des rois francs, la condition périlleuse et turbulente des seigneurs et des évêques, les guerres civiles et privées, la misère et les intrigues des vaincus, les violences qui éclataient jusque dans les basiliques et dans les monastères de femmes. Les lecteurs de la Revue des Deux Mondes ont ces Récits trop présens à la mémoire pour que j’en parle plus longuement. On ne peut oublier, quand une fois on les a vues, ces grandes figures, types gradués de toutes les nuances de la barbarie, Fredegonde, Hilperick, Mummolus, Leudaste, Brunehilde. Je dirai seulement que nulle part l’auteur n’a employé un mode d’exposition plus grave, plus vrai, une touche plus large, plus harmonieuse. Chaque groupe, si artistement détaché du fond des chroniques, est en soi une narration parfaite. Quant à l’ensemble et à l’impression totale qui doit en résulter, il est aisé dès à présent de la prévoir. Aussi aspirons-nous bien vivement au moment où nous jouirons de la vue entière de l’édifice, et où nous pourrons d’un coup d’œil en embrasser toute l’ordonnance.

On ne remarque pas un moindre progrès dans les Considérations dogmatiques qui sont placées devant les Récits. Ce que M. Thierry avait fait dans un ouvrage précédent à propos des livres d’histoire narrative, il le complète aujourd’hui en jugeant les livres d’histoire systématique. Il soumet au plus scrupuleux examen les théories fondamentales et les diverses formules qu’on a essayé d’époque en époque d’imposer aux origines de la société française. Dans cette appréciation vraiment im-