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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/729

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ANCIENS AUTEURS FRANÇAIS.

qui avait destiné cette charge ailleurs, elle fit appeler Amyot dans son cabinet et elle le reçut d’abord avec ces effroyables paroles : J’ai fait bouquer, lui dit-elle, les Guises et les Châtillons, les connétables et les chanceliers, les rois de Navarre et les princes de Condé, et je vous ai en tête, petit prestolet. Amyot eut beau protester de ses refus, la conclusion fut que, s’il avait la charge, il ne vivrait pas vingt-quatre heures ; c’était le style de ce temps-là.

« Les paroles de cette femme étaient des arrêts. Le roi était naturellement opiniâtre. Entre ces deux extrémités, Amyot prit le parti de se cacher pour se dérober également à la colère de la mère et à la libéralité du fils. Un repas passe, et puis un autre, et puis encore un autre avant qu’Amyot paraisse à la table du roi ; au quatrième, il le demande et commande qu’on le cherche tant qu’on le trouve ; mais ce fut en vain, Amyot ne s’était pas caché afin qu’on le trouvât. Le roi s’avisa aussitôt de ce que ce pouvait être. Quoi ! dit-il, parce que je l’ai fait grand-aumônier, on l’a fait disparaître ! et sur cela entre dans une telle fureur, comme c’était son naturel, dès qu’il se mettait en colère, que la reine, qui avait assez de peine à le gouverner et qui le craignait autant qu’elle l’aimait, n’eut rien de plus pressé que de faire trouver Amyot à quelque prix que ce fût, en lui donnant toutes les sûretés qu’il voulut pour sa vie. »

Tout cela est fort bien conté, fort détaillé, fort vraisemblable même, car chacun agit et parle dans son caractère mais si le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable, le vraisemblable peut aussi ne pas être vrai. Rien de pareil à tout ce qu’on vient de lire n’a pu se passer entre Amyot, Catherine et Charles IX. En effet, le récit de Saint-Réal suppose que Charles IX était déjà monté sur le trône depuis quelque temps quand eut lieu la conversation dans laquelle fut mentionné, selon lui, l’exemple de Charles-Quint élevant son précepteur à la papauté. Mais la nomination d’Amyot à la place de grand-aumônier date du second jour du règne de Charles IX, ce qui renverse tout ce que dit Saint-Réal sur les circonstances qui amenèrent cette nomination. Cette date ne montre pas moins évidemment la fausseté de tout ce qui est donné comme l’ayant suivi, car Charles IX avait alors dix ans et demi, et à cet âge il ne peut avoir montré dans le choix de son grand-aumônier l’emportement qu’on lui prête, et la scène qu’on suppose avoir eu lieu entre sa mère et lui cesse d’être possible, à cause de la grande jeunesse du roi. Le discours de Catherine de Médicis à Amyot ne l’est pas davantage. Avant d’être déclarée régente, Catherine de Médicis parle