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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/155

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MANCHESTER.

gens, ayant reconnu le mal et sentant que leur indépendance d’action était pour ainsi dire annulée, résolurent de mettre fin à l’association, qui fut de la sorte abandonnée volontairement après une expérience de treize années. »

Le contrepoids nécessaire à la prépondérance des maîtres dans l’industrie n’est donc ni la concurrence des capitalistes ni l’association des ouvriers entre eux. Les abus naissent de la séparation des intérêts ; ils ne cesseront que par un traité d’union entre les deux classes qui concourent au travail. La participation des ouvriers aux bénéfices de la manufacture simplifie les difficultés devant lesquelles est venue se briser la puissance législative ; c’est le moyen de faire tourner à l’avantage des ouvriers ce qui pourrait aller à leur détriment[1]. Néanmoins, en supposant que l’on assure par là l’ordre intérieur et la paix des fabriques, il reste encore à mesurer la portée des commotions qui viennent du dehors.

C’est une grande question dans l’industrie que la constance, ainsi que la régularité du travail. La Providence, pour nous enseigner sans doute la prudence et l’économie, n’a pas voulu que l’œuvre des saisons fût uniforme. Il y a des années d’abondance et des années de disette ; chaque été n’a pas la même mesure de pluie ni de soleil. Il s’ensuit que, même dans l’industrie agricole, le travail est sujet à des alternatives, et que chaque jour n’amène pas son pain. Dans les arts que la civilisation a créés, les variations sont encore plus fréquentes. Tout métier a sa morte saison, toute industrie a ses crises ; mais aussi plus l’emploi est irrégulier, et plus le niveau des salaires s’élève, car il faut que la subsistance de l’ouvrier pendant les jours de chômage soit prise sur le revenu produit par les journées de travail.

Dans les contrées purement agricoles, une mauvaise récolte compromet de deux manières la subsistance des laboureurs : en premier lieu, elle affecte leur salaire, car le propriétaire et le fermier, disposant d’un moindre revenu, ajournent toutes les améliorations qui ne sont pas indispensables, et, la demande du travail diminuant, le travailleur est obligé de louer ses bras à vil prix ; en second lieu, la cherté des provisions concourt à réduire leurs moyens d’existence, et affame

  1. « Dans ses relations avec le grand propriétaire et avec le grand capitaliste, l’ouvrier trouve l’avantage d’un emploi plus stable et d’un revenu plus régulier. Il y a aussi un avantage réciproque à ce que le salaire soit donné sous la forme de logemens ou de comforts permanens et assurés, c’est-à-dire sous la forme de ce qui est le meilleur emploi du salaire, et non pas entièrement en argent. » (Report on the sanitary condition of labouring classes.)