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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/361

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LE SALON.

La figure du Christ est malheureusement la moins réussie. Son geste est équivoque. La draperie dans laquelle il est contenu forme, des pieds à la tête, un parallélogramme trop symétrique, sans accident, sans mouvement. Il ne faut pas être nu et vide à force d’être simple. Du reste, l’ajustement est peut-être la partie faible de M. Chasseriau. Il ne nous semble pas qu’il en soit bien maître et paraît s’y embarrasser facilement. Les trois figures d’apôtres, particulièrement les deux du premier plan, à gauche et en face du Christ, sont en revanche d’un grand goût de pose et de dessin, d’une exécution ferme, serrée et énergique. Le ton général manque un peu de vie et d’éclat, mais non de force et d’harmonie. Bien que M. Chasseriau ne soit nullement coloriste, dans le sens ordinaire du mot, sa couleur est véritablement sienne et participe de l’individualité incontestable de son style et de son dessin. Nous ne dirons pas que cette individualité atteint la grande originalité, mais assurément elle n’est pas vulgaire ; elle n’est pas assez saillante pour étonner, assez puissante pour s’imposer, mais elle l’est assez pour se faire distinguer. Nous espérons, sans y compter pourtant complètement, que ce jugement ne sera pas trop en désaccord avec l’idée que l’artiste qui en est l’objet doit déjà vraisemblablement s’être faite lui-même de la nature, de la portée et de l’avenir de son talent.

Nous avons peu de confiance aux restaurations, aussi peu en art qu’en politique, qu’en religion ; et c’est merveille que tant de peintres se fourvoient encore dans ces inutiles essais de contre-révolution. Il est à remarquer que ce sont d’ordinaire les plus gens d’esprit et les plus instruits qui s’abandonnent à ces velléités archaïques. Tel est incontestablement M. Sturler, qui, habitant d’ordinaire Florence s’y est pris pour les fresques qui couvrent les vieux murs d’un amour qui va quelquefois jusqu’à l’adoration et au culte. Son Incrédulité de saint Thomas est un spécimen de l’art florentin du temps de Giotto : morceau curieux, sans doute, sous le rapport de l’érudition, mais qui, nous l’espérons, ne sera qu’un épisode dans la carrière d’un artiste qui sait, lorsqu’il le veut, trouver dans ses inspirations personnelles ce qu’il va inutilement demander à de vieilles sources taries.

M. Savinien-Petit ne remonte pas si loin. Il a cru devoir s’arrêter, dans sa Descente de Croix, à l’école qui a précédé immédiatement Raphaël. Rien dans cette peinture n’appartient à l’auteur ; le style, le dessin, la couleur, le ton, le système de composition, la méthode d’exécution, tout est emprunté. C’est du pur italien, parlé avec un peu d’accent allemand. Et pourtant ce singulier travail n’est ni un