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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/369

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LE SALON.

d’homme (salon carré) largement et vigoureusement peint, et une scène de bataille (Prise d’Antioche par les croisés) qui n’est guère qu’une esquisse assez vivement touchée.

Le Giorgione peignant un portrait, de M. Baron, est un morceau de peinture vive, sémillante, propre et coquette, comme il sait en faire et comme il n’en avait jamais mieux fait. Nous ne répondrions pas cependant qu’avec tant de couleurs, M. Baron ait fait véritablement de la couleur. C’est moins la variété et l’intensité des tons locaux que l’harmonie générale du mélange, qui constitue la puissance et le charme du coloris. M. Baron a le tort de vouloir appeler l’œil partout ; il ne sait pas faire de sacrifice. Il résulte de là que sa peinture manque d’effet. Il y a aussi une singularité peu heureuse dans sa composition, — c’est ce chevalet et le châssis qu’il supporte qui, placés de biais, coupent la scène en deux moitiés dont chacune est un tableau, — et en outre une faute de perspective dans la ligne qui sépare le parquet de l’estrade placée au fond. On ne saurait non plus faire compliment à Giorgione de la tête d’orang-outang que M. Baron a mise sur ses épaules. Mais ce sont là des peccadilles. Puisque nous parlons couleur, n’oublions pas les Bohémiens de M. Diaz. La peinture de M. Diaz est le pays de la fantaisie, dans le royaume de Lilliput ; elle chatoie devant vous comme un mirage où passent et repassent, sans se fixer, de gracieuses apparitions. Tout ce qu’on voit est charmant, mais on ne sait pas ce qu’on voit. Nous croyons avoir entrevu cependant parmi ces Bohémiens bon nombre de jolies petites têtes, blondes et brunes, spirituelles et souriantes, à la fois enfantines et coquettes, pleines de malice et d’innocence. Toutes ces femmes vont évidemment au sabbat ou en reviennent. Il y a deux autres toiles de M. Diaz bariolées des mêmes couleurs. M. Diaz excelle à ce jeu de main qui est aussi un jeu d’esprit, et de cet esprit-là n’en a pas qui veut. Nous n’entendons pas cependant mettre ces charmantes pochades tout-à-fait sur la même ligne de l’art que la Transfiguration et le Jugement dernier.

Citons encore, parmi ces petites toiles de genre, le Traîneau Russe et le Voyage dans le Désert, deux impressions de voyage de M. Horace Vernet ; la Fontaine arabe, de M. de Chacaton, talent nouveau qui paraît vouloir se frayer une route entre M. Decamps et M. Marilhat ; les Cantonniers, de M. Adolphe Leleux, déjà vus trop souvent sous d’autres noms pour mériter des éloges nouveaux ; les Laveuses, de son frère (M. Armand Leleux), petite composition peinte avec beaucoup de sentiment et d’un goût original ; et enfin le magnifique assortiment de Fruits et de Fleurs de M. Saint-Jean. Nous allions ou-