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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/441

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LES THÉÂTRES.

rience. Le Conservatoire ne peut fournir que des élèves, et encore serions-nous heureux s’il en formait beaucoup qui donnassent des gages pour l’avenir. Les théâtres des départemens, voués jadis à la tragédie et à la comédie, commençaient des réputations qui tôt ou tard étaient couronnées à Paris par les suffrages des bons juges. Ils sont stériles aujourd’hui. Les scènes lyriques ne leur doivent aucun artiste éminent : Monrose est le dernier comédien qu’elles aient donné au Théâtre-Français.

Il est donc nécessaire que l’autorité intervienne au plus tôt, si elle veut prévenir la décadence irrémédiable de l’art théâtral. Le programme des études du Conservatoire doit être soumis à une révision sévère. Un ou deux théâtres d’essai doivent être élevés et encouragés pour les élèves qui étudient isolément ou sous l’inspiration d’un professeur particulier. Il serait bon encore que les administrations départementales, en accordant les subventions, fissent quelques réserves, afin que les scènes ne fussent pas envahies exclusivement par ce petit vaudeville qu’on peut jouer sans art, et ce petit opéra-comique qu’on peut chanter sans voix.

Les ordres de début de l’ancien régime, renouvelés sous l’empire, répugnent à nos principes de liberté. On ne comprend guère l’obligation imposée à un comédien de paraître malgré lui sur un théâtre où ne l’appelle point son goût, ni peut-être sa vocation. Cependant il est une disposition qui ne nous paraît pas incompatible avec la législation générale, et dont l’adoption favoriserait le recrutement des scènes du premier ordre. L’obstacle à l’exécution d’un ordre de début peut venir du comédien qui le reçoit, ou du théâtre où il est présentement engagé. On ne peut contraindre le premier, s’il refuse de déférer à l’ordre ; mais le gouvernement pourrait renouveler les conditions imposées aux fondateurs du Gymnase, c’est-à-dire stipuler, dans les priviléges qu’il confère, que dans le cas où le comédien donnerait son consentement, son engagement antérieur serait rompu sans dédit. La liberté personnelle de l’artiste serait respectée, et le directeur ne pourrait se plaindre de l’exécution d’une clause à laquelle il se serait soumis en recevant son investiture.

Il est surtout un théâtre auquel cette disposition devrait s’appliquer ; nous voulons parler de l’Odéon. La création d’un second théâtre français a été utile et bonne ; il était convenable que deux scènes fussent consacrées à la littérature sérieuse, à la tragédie, à la haute comédie ; mais on a eu le tort de constituer l’Odéon en rivalité directe avec le Théâtre-Français : il en devait être seulement l’annexe, comme