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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 6.djvu/618

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REVUE DES DEUX MONDES.

au département de la Seine ou au comté non moins microscopique de Middlesex. La réforme municipale a dépouillé York de son lord-maire, de ses huit chambellans, de sa chambre haute et de sa chambre basse, vain et vénérable simulacre de gouvernement ; mais, après avoir cessé d’être une métropole politique, cette ville est encore une métropole religieuse et un des quartiers-généraux de l’aristocratie.

Dans le comté d’York, la nature et la société présentent les mêmes contrastes. On y trouve tous les sols et presque tous les climats. Les districts de l’ouest sont principalement industriels, ceux de l’est exclusivement agricoles : dans les premiers, chaque halte est marquée par une ville ; dans les seconds, vous ne rencontrez que des hameaux. À l’ouest et au nord, la propriété peut paraître très divisée, eu égard au reste de l’Angleterre ; à l’est, au contraire, la terre appartient à un petit nombre de familles qui possèdent ces vastes domaines et se les transmettent de génération en génération. Plus on approche des montagnes du Lancastre, plus les hommes ont le sentiment de leur indépendance et de leur dignité ; mais dans la partie orientale du Yorkshire, un grand propriétaire, n’accordant jamais de baux à ses fermiers, dispose absolument de leur existence : il les mène au vote, comme autrefois le baron féodal conduisait ses vassaux au combat. Pour achever le tableau, la différence est tout aussi radicale dans les cultes : les sectes dissidentes ont envahi les villes de l’ouest, tandis que la population des campagnes relève toujours de l’église établie.

Dans le comté de Lancastre, les traces des temps historiques ont disparu sous la végétation luxuriante des manufactures ; tout y est de récente formation. Ce qui distingue au contraire le comté d’York, c’est qu’il met perpétuellement le présent en regard du passé, et les rend, pour ainsi dire, contemporains. Deux chemins de fer percent les remparts qui arrêtèrent Fairfax, et pénètrent avec tout leur mouvement dans cette paisible capitale, qui semblait ne devoir plus être que la terre promise des antiquaires. Au pied du château bâti par Guillaume-le-Conquérant, vous pouvez évoquer l’histoire de sept siècles, les invasions écossaises repoussées par des armées de prêtres, les guerres des roses et les dernières batailles des Stuarts, puis, quelques heures après, vous transporter à Leeds ou à Sheffield pour vivre de la vie active, au milieu des prodiges tout aussi imposans de l’industrie. Vous venez d’admirer la cathédrale d’York, cette merveille du monde chrétien, dans laquelle l’élégance et la grace infinie des détails le disputent à la grandeur de l’ensemble, et vous vous trouvez en face de la manufacture vraiment monumentale de M. Marshall à