Quelle était donc la force de la conviction du cardinal, puisqu’elle lui arrachait ces paroles amères contre des hommes dont jusqu’alors il avait plaint le malheur ? Veut-on un témoignage bien autrement imposant ? on ne récusera pas celui d’un souverain pontife, de Pie VI, successeur de Clément XIV ; c’est encore Bernis qui nous le transmettra. Écoutons-le parlant froidement et sans passion, plus de trois ans après la mort de Ganganelli. Il écrit le 28 octobre 1777 : « Je sais mieux que personne jusqu’où s’étend l’affection de Pie VI en faveur des ex-jésuites, mais il les ménage encore plus qu’il ne les aime, parce que la crainte a plus d’empire sur son esprit et sur son cœur que l’amitié… Le pape a de certains momens de franchise dans lesquels ses vrais sentimens se développent : je n’oublierai jamais trois ou quatre effusions de cœur qu’il a laissé échapper avec moi, par lesquelles j’ai pu juger qu’il était fort instruit de la fin malheureuse de son prédécesseur, et qu’il voudrait bien ne pas courir les mêmes risques. »
Fin malheureuse en effet et trop peu méritée. La faiblesse doit-elle être punie comme un crime ? Si Ganganelli ne fût pas venu trop tôt après Benoît XIV, il aurait fait une grande fortune dans son siècle. Grimm l’a dit avec raison. Arrivé au trône vers 1740 ou 1750, Clément XIV aurait vécu parfaitement heureux. Il eût vieilli entouré de la considération publique ; il eût porté paisiblement cette triple couronne qu’il avait tant convoitée, et qui, en 1772, brûla ses cheveux blancs. Après s’être donné le tort de faire une promesse, il n’avait que deux partis à prendre, et un seul était tout-à-fait honorable. Dès le
- ↑ Nous avons vainement cherché cette relation ; elle a disparu.