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DE LA LITTÉRATURE POLITIQUE EN ALLEMAGNE.

vive allégresse. Sans doute le poète y demande la guerre comme toujours, puisque c’est là décidément son inspiration unique, mais il explique au moins ses hardis désirs, et il y a dans ses vers une sincérité mâle qui subjugue et qui entraîne. Il demande au Seigneur des armées qu’il fasse naître la liberté allemande du milieu des combats, parce que son peuple est trop bon, trop timide, et ne constituera jamais son indépendance d’une manière pacifique ; il lui faut la main de fer des évènemens. Pour que ce peuple devienne gentilhomme, pour qu’il ne doute plus de la pureté de son sang, il faut qu’il l’ait vu couler sur les champs de bataille. Le poète désire pour son pays les guerres de la France de 92 ; il voudrait voir les paysans d’Allemagne comme ces paysans républicains dont parle le poète, pieds nus, sans pain, avec leurs habits bleus qu’avait usés la victoire. Du reste, cette guerre unie, il n’y en aura plus d’autres ; il chante donc la dernière guerre. Puis ce sont des appels, des proclamations, des cris de révolte sans cesse répétés. Pierre l’Hermite ne se lasse point de prêcher sa croisade, et sa voix devient toujours plus terrible. Il y a un de ces cris guerriers qui est d’une hardiesse singulière : tout à l’heure il priait, il était à genoux au pied de la croix, et il adressait au Dieu des combats ses supplications désolées. Maintenant sa prière est finie ; cette croix au pied de laquelle il s’est prosterné, il ordonne au peuple de la briser pour en forger des armes. Dieu, dit-il, nous le pardonnera dans les cieux. Assez de prières, assez de versets récités en pleurant ; mettez le fer sur l’enclume : le sauveur, c’est le fer.

« Arrachez les croix de la terre ! qu’elles deviennent toutes des épées. Dieu vous le pardonnera dans les cieux. Quand il entendra siffler la flamme et mugir son fer sacré, ah ! il le bénira d’en haut.

« Avant l’heure de la liberté, qu’il n’y ait point de paix. Que la femme ne soit pas donnée à l’homme, que la semence d’or ne soit pas donnée au sillon. Avant la liberté, avant la victoire, qu’aucun nouveau né dans son berceau n’ouvre au monde son regard souriant.

« Arrachons les croix de la terre ! qu’elles deviennent toutes des épées. Dieu nous le pardonnera dans les cieux. En avant, contre les tyrans et les philistins ! L’épée aussi a ses prêtres ; nous serons les prêtres de l’épée. »

Le chant de la haine, que je rencontre un peu plus loin, a mérité aussi d’être cité souvent pour la rudesse héroïque du rhythme et la fierté vigoureuse des pensées. Toutefois, ce belliqueux enthousiasme finit à la longue par fatiguer. Si ce n’était là qu’un accent arraché par l’inspiration poétique, un cri, un élan imprévu, on aurait mauvaise grace à lui demander un compte rigoureux de ses paroles ; mais, ne