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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/156

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REVUE DRAMATIQUE.




L'AVENTURIERE. - LUCRECE.




La critique est-elle possible en temps de révolution ? Si elle devait borner sa tâche à préparer ou à réformer les jugemens des contemporains sur les questions et les œuvres d’art, il serait difficile, assurément, de se résoudre pour l’affirmative. Comment préparer ce qui ne saurait exister encore ? Comment résumer ce qui n’a pas existé ? Quelle foi littéraire, si robuste qu’elle soit, peut demander ou obtenir une minute d’attention et de sympathie pour ces discussions élégantes qui sont le charme et l’ornement des époques oisives, mais que repoussent, comme un passe-temps frivole ou un luxe inutile, les époques agitées ? À ce premier obstacle s’en ajoute un autre, résultat inévitable des tourmentes politiques ce mot même de tourmente ou d’orage n’indique-t-il pas la difficulté dont je parle ? Aux révolutions comme aux tempêtes, leurs images terrestres et visibles, il suffit d’un moment pour déchirer, bouleverser, transformer tout ce qu’elles atteignent. Elles aussi comblent les abîmes, nivellent les hauteurs, tarissent ou détournent les sources, font passer un torrent là où s’étalait une prairie, jettent une grève aride là où souriaient des champs fertiles. Eh bien ! s’il est vrai qu’elles exercent sur les intimes profondeurs de la société ces ravages ou du moins ces transformations souveraines, que pourraient-elles laisser intact à la surface même, dans cette région idéale qui est aux réalités politiques ce que sont au monde matériel les massifs de gazon et de fleurs ? Vouloir en retrouver,