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faire sentir aux Hindous que des juges éclairés, inamovibles et indépendans du pouvoir constituaient un luxe auquel ils n’avaient pas le droit de prétendre, car les faubourgs de la capitale du Bengale, qui sont exclusivement occupés par les Hindous, sont dans le ressort des tribunaux ordinaires de la compagnie, et il suffit qu’un débiteur de mauvaise foi traverse la rue pour qu’il échappe à la juridiction de la cour suprême. Du reste, les lois anglo-indiennes sont pleines d’indulgence pour des cas semblables. Un voyage à Chandernagor met le failli à l’abri des premières poursuites et lui donne le temps de préparer les actes qui doivent précéder sa réhabilitation.

On a vu comment étaient remplies dans le Bengale les fonctions de juge et de magistrat ; mais, pour connaître complètement la trinité administrative de l’Inde anglaise, il faut encore mettre en scène le collecteur. On aura ainsi suivi le civilien dans chacune des trois carrières qui s’ouvrent devant lui.


II

Le collecteur anglais dans l’Inde perçoit les impôts sous quelque forme qu’ils se présentent ; les contributions foncières, les contributions personnelles et mobilières, les taxes de consommation, enfin toutes les sources du revenu public sont soumises à sa direction. Il saisit la propriété partout où il peut la trouver ; et il prélève dans son district, avec plus ou moins d’arbitraire, la quotité qui doit servir aux dépenses du gouvernement. En un mot, son pouvoir est le même que celui des fermiers-généraux d’autrefois, et son avidité est la même que celle des traitans. La seule différence, c’est que les rigueurs qu’il apporte dans l’exécution des lois de finance et dans l’application des tarifs, au lieu d’être exercées en vue d’un intérêt privé, sont sanctionnées par la compagnie et tournent au profit du trésor. Personne ne s étonnera de la sollicitude avec laquelle la compagnie envisage la question de l’accroissement de ses revenus. De même qu’à l’époque où elle a été fondée, elle dirige encore aujourd’hui une vaste entreprise commerciale, et son premier soin doit être de veiller aux intérêts de ses commettans. Aux capitalistes anglais, ainsi qu’à tous les capitalistes du monde, il faut, avant toute chose, des retours avantageux, et, si on cherchait une exception à cette règle, à coup sûr ce n’est pas dans l’Inde qu’on la trouverait.

On associe volontiers au nom de la compagnie quelque idée de grandeur et de puissance, et il faut avouer que les derniers succès obtenus sur les bords de l’Indus et du Sutledge sont bien faits pour frapper et éblouir l’imagination. Encore est-il bon de savoir par quels sacrifices le peuple hindou paie une gloire qui, en définitive, n’est pas la sienne,